Quelle fut l’attitude du cardinal Eugenio Pacelli /Pie XII, germanophile reconnu, face au nazisme ? Sa phobie du communisme l’amena-t-il sinon à soutenir du moins à laisser faire, implicitement ou explicitement, le national-socialisme ? Comment Pie XII était-il perçu par les nazis ?
4) Cas unique : un pape médiateur pour la mise en place d’un coup d’Etat
L’affaire est sans précédent dans l’histoire de la papauté : Pie XII aurait accepté de servir d’intermédiaire dans la mise en place d’une tentative d’assassinat de Hitler.
L’histoire part de la volonté de quelques hommes : l’objectif est d’éliminer Hitler et de provoquer un coup d’Etat grâce à l’armée. Dans ce petit cercle se trouvent le général Ludwig Beck, chef d’état-major, le colonel Oster, chef de la division de l’Abwher, le major Hans Dohnanyi, directeur des affaires politiques de la division centrale de l’Abwher et le lieutenant Müller, avocat antinazi et catholique pratiquant. Ce dernier est chargé d’approcher Pie XII pour obtenir du pape qu’il serve d’intermédiaire entre eux et les Anglais. En réalité, Müller ne rencontrera jamais le pape mais passera par son secrétaire le Père Leiber qui lui fait savoir, en octobre 1939 que Pie XII accepte de prendre contact avec sir d’Arcy Osborne, le chargé d’affaire britanniques, qui note dans son carnet : « Jamais dans l’histoire un pape n’a été engagé d’une façon aussi délicate dans une conspiration tendant à renverser un tyran par le force. »
Sir d’Arcy Osborne prévient à son tour lord Halifax, ministre des Affaires étrangères, qui avertit Chamberlain, chef de gouvernement de sa Majesté. Au début de l’année 1940, Pie XII fait venir à plusieurs reprises, lui révélant même un renseignement primordial : l’imminence d’une invasion de la Belgique et de la France. Mais Chamberlain ne veut pas s’engager sans la France. Les officiers allemands hésitent. Hitler envahit l’Ouest. Il est trop tard.
Les sources qui parvinrent de ce complot proviennent en grande partie du rapport écrit sur cette affaire par sir d’Arcy Osborne. On trouve aussi un document du Père Leiber, des traces dans certains papiers des officiers allemands proches du complot. Il existe également un rapport de Dohnanyi qui résume les différents échanges entre Pie XII et ses interlocuteurs. Ce rapport tombera dans les mains de la Gestapo en septembre 1944, après l’attentat manqué du comte Claus Schenck von Stauffenberg sur Hitler. Stauffenberg sera d’ailleurs en partie soutenu, lui aussi, par l’Eglise, en la personne de Mgr Preysing, évêque de Berlin.
Qu’est-ce qui poussa Pie XII à aller si loin ? Le professeur Chadwick avance une hypothèse : « Parce que son expérience politique lui disait qu’en dépit de l’incertitude du projet, il s’agissait probablement de l’unique possibilité d’arrêter l’invasion imminente de la Hollande, de la Belgique et de la France afin d’éviter une marée de sang incroyable. »*
- Owen CHADWICK, Britain and the Vatican during the Second World War, Cambridge, 1986.
C’est important, on voit tout de suite que votre site est objectif (très rare)