Il y a bien eu un plan nazi pour tuer Pie XII : enquête du journal « Avvenire ». Trois officiers allemands avaient prévenu l’Italie.
« En juillet 1943, Hitler a voulu éliminer Pie XII », titre le quotidien catholique italien « Avvenire » du 16 juin 2009, sous la plume de Diego Vanzi : Hitler voulait faire enlever et tuer Pie XII.
Des rumeurs à ce sujet avaient été mises en lumière en 1972 : l’ancien général des SS, Karl Wolf (mort en 1984), en avait parlé, à propos de sa propre rencontre avec le pape du 10 mai 1944.
Mais un plan plus concret est évoqué par le Quartier général pour la Sécurité du Reich (« Reichssicherheitsamt ») de Berlin après le 25 juillet 1945.
« Avvenire a en effet recueilli auprès des héritiers des protagonistes des témoignages et a visionné des documents », écrit Vanzi qui apporte les précisions suivantes.
Le fils de Niki Freytag von Loringhoven, aujourd’hui âgé de 72 ans et « très lucide », rencontré en Bavière par l’auteur, a évoqué un événement qui se situe à Venise à l’Hôtel Danieli et au Lido. L’autorisation de se rendre an avion à Venise est signée par le responsable du commandant suprême de la Wehrmacht, le général Wilhelm Keitel, pendu à Nuremberg le 16 octobre 1946.
A bord du Heinkel He 111 de la Luftwaffe, il a atterri dans l’après midi du 29 juillet 1943 sur la lagune, où se trouvaient le chef du contre-espionnage (Ausland/ Abwehr), l’amiral Wilhelm Canaris et deux colonels de la section II (sabotage), Erwin von Lahousen et Wessel Freytag von Loringhoven.
Canaris avait prétexté pour cette « excursion » vérifier la fidélité des Italiens au Pacte d’Acier après l’arrestation de Mussolini, quatre jours auparavant. A Venise, Canaris et ses deux compagnons de voyage auraient rencontré le chef du SIM (Service d’Information militaire italien), le général Cesare Amé. Amé et Canaris se connaissaient et s’estimaient : ils s’étaient déjà rencontrés à Venise à l’Hôtel Danieli. Canaris arrivait donc de Berlin et Amé en voiture, de Rome.
Ils avaient l’un et l’autre peu de sympathie pour les régimes de leurs pays, même s’ils étaient contraints à collaborer. Dans le journal de bord du colonel von Lahousen on lit : «29.07.43: départ du vol pour Venise, avec le chef de service (Canaris) et avec le colonel Freytag pour une rencontre avec le gén. Amé, chef du contre-espionnage italien ». Et encore : «31.07.43: Retour du voyage de service à Venise ». Canaris et von Loringhoven et von Lahousen avaient recueilli auprès du Reichssicherheitsamt, siège de la Gestapo à Berlin, des rumeurs concrètes concernant la volonté de Hitler de se venger des Italiens qui avaient arrêté Mussolini, frappant le roi et le pape.
Les trois représentants du contre-espionnage avaient entendu prononcer les paroles : la déportation ou la mort. Dans une déposition au procès de Nuremberg, le 1er février 1946, Lahousen a fourni des détails recueillis dans un procès verbal intitulé : « Warnreise. Testimony 13301430 ». Lahousen a rapporté à Nuremberg la réaction de Freytag von Loringhoven : « C’est une vraie lâcheté ! Il faudrait avertir les Italiens ! » De fait, toujours selon Lahousen, c’était là le premier objectif du vol pour Venise : faire savoir aux Italiens les projets de Hitler quant au roi et au pape Pacelli. La rencontre eut lieu comme toujours dans une salle réservée de l’Hôtel Danieli. Les deux hommes parlèrent longtemps, mais rien n’a filtré de leurs conversations. Dans l’après-midi du 30 juillet, Amé et les deux colonels se promenèrent sur le Lido et évoquèrent les projets nazis concernant Pie XII.
A ce moment-là, souligne Vanzi, Mussolini était déjà prisonnier à Ventotene, mais aucun des trois ne semblait préoccupé de sa libération si souhaitée par Hitler. Amé n’en parla pas. Il ne resta en charge que jusqu’au 18 août 1943 : il fut remplacé par le général Giacomo Carboni.
C’est la période d’incertitude et d’ambiguïté de 40 jours (25 juillet – 8 septembre 1943). De retour à Rome, Amé fit courir le bruit des néfastes projets de Hitler en direction du roi et du pape, si bien qu’il parvint aux oreilles de l’ambassadeur du Reich près le Saint-Siège, Ernst von Weisäcker, qui se précipita pour demander des informations tous azimuts.
Dans son livre de souvenirs « Erinnerungen » (Ricordi, 1950), il rapporte qu’il s’est d’abord adressé au Feld maréchal Kesserling, puis à Kappler à Rome, Wolf à Milan, à Berlin au bureau de Martin Bormann, chef du secrétariat de Hitler, et enfin il a demandé des explications à Canaris lui-même. Tous nièrent être au courant d’un tel plan. Mais comme il était désormais du domaine public que le Reich aurait cherché à frapper le roi et le pape, le plan devait être abandonné. Seul von Lahousen a ensuite survécu à la terreur nazie.
Il fut transféré sur le front oriental puis revint à Venise, le 1er août 1943, et il réussit à échapper aux poursuites contre les conjurés de l’attentat de von Stauffenberg contre Hitler du 20 juillet 1944 et il fut fait prisonnier par les Américains.
Canaris fut arrêté 3 jours après l’attentat de von Stauffenberg et il fut pendu au camp de concentration de Flossenburg le 9 avril 1945.
Le baron Wessel Freytag von Loringhoven, fut averti, le 26 juillet 1944, que la Gestapo venait l’arrêter et, connaissant les méthodes d’interrogatoire, il préféra se suicider avec son arme de service. Il avait 45 ans, et il avait 4 enfants, encore très jeunes.
Avvenire publie des photos de la rencontre de Venise : photos de Cesare Amé et Wessel Freytag von Loringhoven, faites par Erwin von Lahousen avec son appareil Leica, mais elles ne furent développées que beaucoup plus tard, précise Vanzi.
On se souvient par ailleurs que la secrétaire de Pie XII, Sr Pascalina Lehnert a fait état d’un document par lequel Pie XII, en 1943-1944, renonçait au pontificat s’il venait à être arrêté ou enlevé, de façon à ce que les nazis n’arrêtent qu’un simple évêque et non plus le pape et que les cardinaux puissent immédiatement réélire un autre pape. Il demandait qu’aussitôt après son rapt un conclave se tienne dans un pays libre pour élire son successeur.
Source : Zenit