L’action diplomatique déployée par Pie XII pour venir en aide aux Juifs est incontestable. Très rares sont ceux qui osent remettre en cause la générosité avec laquelle il accueillit les Juifs. Ceux qui se permettent certaines critiques le font au nom d’un antisémitisme extrême de la part du pape. C’est assez frappant dans l’étude réalisée par John Cornwell qui se focalisera sur deux ou trois faits mineurs pour porter une accusation grave et totalement injustifiée, comme cela se vérifie ci-dessous.
Tout d’abord, il apporta son soutien sans faille à Mgr von Galen, à Mgr von Preysing et au cardinal Faulhaber (cf. Chapitre sur l’attitude de l’Eglise en Allemagne face au nazisme).
- En janvier 1940, malgré les protestations du gouvernement fasciste de Mussolini, le Vatican nomme deux juifs à l’Académie des sciences du Vatican. (1)
- Le 10 septembre 1942, le rédacteur en chef du New-York Times note que « provenant de sources “semi-officielles”, une information permet d’affirmer que le pape a envoyé un message personnel au maréchal Pétain, par l’intermédiaire du nonce à Vichy dans lequel il exprimait son soutien aux initiatives des cardinaux et évêques français concernant le sauvetage des Juifs et des étrangers arrachés aux mains des nazis ».
- Pie XII envoie des directives précises à tous les nonces européens pour protéger les Juifs de la persécution. Les lettres et télégrammes du pape ne manquent pas à ce sujet, venant moralement et spirituellement en aide à tous ces évêques isolés : Mgr Giuseppe Burzio en Slovaquie, Mgr Andrea Cassulo en Roumanie, Mgr Angelo Rotta en Hongrie (secondé par le primat de Hongrie, le cardinal Seredi), le père Giuseppe Ramiro Marcone en Croatie, qui ne peut empêcher la rafle massive et nationale des Juifs le 24 mars 1943, etc. (2)
- Lors de l’arrivée des nazis à Rome, le 18 septembre 1943, Pie XII s’attend à être arrêté. Il fait alors ouvrir tous les couvents et monastères de Rome, levant jusqu’aux clôtures, pour que les Juifs soient accueillis. Ce sont des centaines de Juifs qui sont ainsi hébergés et protégés jusqu’à la libération.
- La communauté juive est sommée par les SS de leur fournir 50 kg d’or en 24h, sous le menace d’une déportation de grande envergure. Le grand rabbin de Rome, Zolli, parvient à en récolter 35kg. Il se tourne alors vers Pie XII qui demande aussitôt à ses services de leur trouver les 15 kg restant. Certains historiens ont prétendu que l’aide avait été apportée par les couvents et monastères sans l’aide de Pie XII Mais les archives démontrent que c’est bien le Saint-Père lui-même qui a donné l’ordre. (3)
- Lors de la grande rafle des 15-16 octobre 1943, plus d’un millier de juifs sont arrêtés. La réaction du pape est immédiate : il donne l’ordre d’ouvrir tous les couvents pour sauver ceux qui n’avaient pas encore été arrêtés. Il envoie son secrétaire d’Etat, le cardinal Maglione, auprès de l’ambassadeur du Reich, Ernst von Weiszäcker pour témoigner de son indignation et le menacer d’une condamnation publique et forte si les nazis venaient à récidiver. L’ambassadeur a une telle peur de la réaction de Hitler, suite à son entrevue avec le pape, qu’il craint un geste démesuré du Führer et préfère réinventer leur échange, comme le montrera par la suite le procès de Nuremberg. Si elle ne put empêcher cette déportation, jamais Rome ne connut d’autre rafle importante. (4)
- Pie XII va plus loin : il envoie son neveu et le supérieur général des salvatoriens auprès du général Rainer Stahel pour dénoncer les persécutions contre les Juifs, et notamment la rafle d’octobre 1943. La mise en garde est si nette que le général Stahel adresse une mise en garde à Himmler, chef suprême des SS, le prévenant d’une probable insurrection dans la capitale italienne si de tels faits venaient à se reproduire. La réaction d’Himmler ne tarda pas : quelques jours plus tard, le 30 octobre, le général Stahel est révoqué pour faiblesse puis envoyé sur le front russe où il trouve la mort. (5)
- Les filières ecclésiastiques rivalisèrent de hardiesse pour prendre en charge chaque juif. Le professeur Lévy della Vida raconte par exemple qu’il a été sauvé par le pape qui l’avait recueilli au Vatican et lui avait confié l’inventaire des manuscrits arabes dont il devint un des plus grands spécialistes. (6)
- Le pape Pie XII vendit des biens familiaux et envoya de l’argent aux nonces pour soulager les souffrances des juifs. (7)
- « Au cours des mois où Rome a été occupée par les nazis, Pie XII a donné pour instruction au clergé de sauver les Juifs par tous les moyens. Le cardinal Boetto de Gênes en sauva à lui seul au moins 800. L’évêque d’Assise, 300. Lorsqu’on a remis au cardinal Palazzini la médaille des “justes” pour avoir sauvé des Juifs au séminaire romain, il affirmait : “Le mérite en revient entièrement à Pie XII qui a ordonné de faire tout ce qui était possible pour sauver des Juifs de la persécution.” L’aide apportée par le pape Pacelli était si connue qu’en 1955, à l’occasion des célébrations du 10e anniversaire de la Libération, l’Union des Communautés Israélites proclamait le 17 avril “Jour de gratitude” pour l’assistance fournée par le pape durant la guerre. » (8)
(1) New-York Times, 10 janvier 1940
(2) Actes et documents du Saint-Siège relatifs à la Seconde Guerre mondiale
(3) Id. ; cf. Père BLET, In Pie XII et la Seconde Guerre mondiale d’après les archives du Vatican, Perrin, 1997
(4) Id.
(5) Id ; la révocation du général Stahel pour cause de faiblesse à l’égard des Italiens est mentionnée dans les archives allemandes.
(6) Cf. Jean CHELINI, « Les silences de Pie XII ? Non-lieu pour le pape ! », In Histoire du Christianisme magazine, n°7, mai 2001, p. 85.
(7) Andrea TORNIELLI, entretien avec Radio Vatican, mai 2001 (Andra Tornielli est historien, spécialiste de la Seconde Guerre mondiale)
(8) David DALIN, Le Mythe du pape d’Hitler, Tempora, 2007