Archives de catégorie : Pie XII nazi ?

Qui était le futur Pie XII ?

Alors que la chaîne Arte rediffuse le film peu historique Amen de Costa-Gavras (lire notre critique), une émission de KTO sur les origines du pape Pie XII.

Depuis la pièce de théâtre Le Vicaire (1963) de l’Allemand Rolf Hochhuth, Pie XII est la cible d´attaques régulières. Accusé au mieux de naïveté, au pire d´antisémitisme, on lui reproche de ne pas avoir condamné publiquement la Solution finale. Il aurait été ainsi un « pion » au service d´Hitler. Invité de l´émission « Au risque de l’histoire », Marie Levant et Frédéric Le Moal proposent de saisir cette personnalité complexe avant son élection sur le trône pontifical, en 1939. Qui était Eugenio Pacelli ? Comment vécut-il la Grande Guerre de 1914-1918 auprès du pape Benoît XV ? Quel a été son rôle diplomatique à Munich entre les deux Guerres mondiales ? Comment enfin était-il considéré par les chancelleries à la veille de son élection ? Eloignée d’une vision binaire, cette émission vise à comprendre comment Eugenio Pacelli s’est battu contre les totalitarismes dès avant 1939. Deuxième opus de 7 rendez-vous de 52 minutes. Une émission KTO animée par Christophe Dickès, en partenariat avec StoriaVoce.

Quand des Juifs félicitaient Pie XII pour son action pendant la guerre…

Le Pape Pie XII en train d’écrire un de ses messages de Noël pour Radio Vatican.

Loin de la “légende noire” contre Pie XII, de nombreux Juifs ont félicité Pie XII pour son action pendant la deuxième guerre mondiale. Quelques exemples.

• 1940 – Time Magazine. Albert Einstein déclare que “L’Église catholique a été la seule à élever la voix contre l’assaut mené par Hitler contre la liberté “.

• 1942 – radio-message de Noël. Le pape Pie XII évoque “les centaines de milliers de personnes qui, (…) par le seul fait de leur nationalité ou de leur race, ont été vouées à la mort ou à une extermination progressive. Le lendemain, le New-York Times salue “le Pape (qui) se place à l’opposé de Hitler.

• 13 février 1945, Israële Zolli (1881-1956), Grand Rabbin de Rome, se converti au catholicisme et prend pour nom de baptême Eugène, en hommage à Eugène Pacelli, alias Pie XII.

• 7 septembre 1945. Giuseppe Nathan, commissaire de l’Union des communautés israélites, rend grâce au souverain Pontife, aux religieux et aux religieuses qui n’ont vu dans les persécutés que des frères, selon les indications du Saint-Père (L’ Osservatore Romano, 8-9-1945).

• 21 septembre 1945. Le docteur Leo Kubowitski, secrétaire du Congrès Juif Mondial, est reçu par Pie XII afin de lui présenter ses remerciements pour l’oeuvre effectuée par l’Eglise Catholique dans toute l’Europe en défense du peuple juif. (L’ Osservatore Romano, 23-9-1945)

• 29 novembre 1945, la United Jewish Appeal envoie une délégation de 70 rescapés des camps de concentration au Vatican pour exprimer à Pie XII la reconnaissance des juifs pour son action en leur faveur. (L’ Osservatore Romano, 30-11-1945).

• 1955, à l’occasion des célébrations du 10e anniversaire de la Libération. L’Union des Communautés Israélites proclame le 17 avril jour de gratitude pour l’assistance fournie par le pape durant la guerre.

• 26 mai 1955. 94 musiciens juifs, sous la direction de Paul Kletzki, ont joué sous les fenêtres du Vatican « en reconnaissance de l’œuvre humanitaire grandiose accomplie par le Pape pour sauver un grand nombre de juifs pendant la seconde guerre mondiale »

• 9 Octobre 1958. A la mort de Pie XII, le Premier Ministre Israélien Golda Meir déclare : “Pendant la décennie de terreur nazie, quand notre peuple a subi un martyre terrible, la voix du pape s’est élevée pour condamner les persécuteurs… Nous pleurons un grand serviteur de la paix.”

• 10 Octobre 1958. Le Dr. Elio Toaff, Grand Rabbin de Rome, déclare : Les juifs se souviendront toujours de ce que l’Eglise catholique a fait pour eux sur l’ordre du Pape au moment des persécutions raciales. Il ajouta : de nombreux prêtres ont été emprisonnés et ont sacrifié leur vie pour aider les juifs “. (Le Monde 10.10.1958).

• 1963. M. Pinchas Lapide, consul d’Israël à Milan du vivant de Pie XII, déclare au journal Le Monde : Je peux affirmer que le pape, le Saint-Siège, les nonces et toute l’Eglise catholique ont sauvé de 150.000 à 400.00 juifs d’une mort certaine… L’église catholique sauva davantage de vies juives pendant la guerre que toutes les autres églises, institutions religieuses et organisations de sauvetage réunis “. (Le Monde le 13.12.1963). Judith Cabaud dans son livre Eugenio Zolli écrit : En examinant les statistiques, il (Lapide) met en lumière l’écart considérable entre le nombre de juifs sauvés par l’Eglise et l’ensemble des réalisations de la Croix Rouge internationale ainsi que les démocraties occidentales.

• 1964. M. Maurice Edelman, Président de l’Association anglo-juive, député travailliste, déclare : L’intervention du pape Pie XII a permis de sauver des dizaines de milliers de juifs pendant la guerre “. (La Gazette de Liège, 3 janvier 1964).

• 1975. Le Dr Safran, Grand Rabbin de Roumanie, a estimé à 400.000, les juifs de Roumanie sauvés de la déportation par l’œuvre de St Raphaël organisée par Pie XII. La médiation du Pape sauva les juifs du désastre, à l’heure où la déportation des Roumains était décidée (Pie XII face aux nazis, Charles Klein – S.O.S. 1975).

• 16 Février 2001, interview au “Weekly Standard. Le grand rabbin de New York, David Dalin, déclare que Pie XII était injustement attaqué alors qu’il peut être considéré comme “un juste, aux yeux des Juifs. Il fut un grand ami des Juifs et mérite d’être proclamé “Juste parmi les Nations parce qu’il a sauvé beaucoup de mes corréligionnaires, bien plus même que Schindler… Selon certaines statistiques, au moins 800.000 “. Il rend hommage à l’écrivain Antonio Gaspari pour son ouvrage Les juifs sauvés par Pie XII et rappelle qu’ au cours des mois où Rome a été occupée par les nazis, Pie XII a donné pour instruction au clergé de sauver des juifs par tous les moyens. Lorsqu’on a remis au cardinal Palazzini la médaille des justes pour avoir sauvé des juifs, il affirmait : “le mérite en revient entièrement à Pie XII”.

Et d’ajouter : “Jamais un pape n’a été autant félicité par les Juifs. Immédiatement après la Seconde Guerre Mondiale et durant les années qui ont suivi, des centaines de manifestations d’estime envers Pie XII ont été apportées à son égard de la part des plus hautes autorités d’Israël depuis Mme Golda Meir et le Grand Rabbin de Jérusalem, jusqu’au Grand Rabbin de Rome, Elio Toaff “.

Quand Pie XII accueillait des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale

 

Le Vatican a dévoilé il y a quelques jours des photographies inédites de réfugiés juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Le pape Pie XII leur avait ouvert les portes de sa résidence d’été, le château de Castel Gandolfo… (source : La Croix).

Rappelons que si le grand rabbin de Rome s’est converti au catholicisme au contact de Pie XII, et qu’il a pris comme prénom de baptême celui du pape, Eugénio, ce n’est pas sans raison : si un homme, à Rome, était bien au courant des exactions commises contre les Juifs et de la protection offerte par le Vatican, n’était-ce pas justement lui ?

EN: Between 1943 and 1944, at the height of the Second World War, Pope Pius XII opened the doors of the papal residence in Castel Gandolfo to more than 10,000 displaced persons. Today, as then, the Catholic Church is on the side of those who suffer because of conflicts. Exclusive images from the Vatican Photographic Archive. ES: Entre 1943 y 1944, en plena II Guerra Mundial, el Papa Pío XII abrió las puertas de la residencia pontificia de Castel Gandolfo a más de diez mil refugiados. Hoy, como ayer, la Iglesia Católica está al lado de quienes sufren a causa de los conflictos. (Imágenes exclusivas del Archivo Fotográfico Vaticano) PT: Entre 1943 e 1944, em plena II Guerra Mundial, o Papa Pio XII abriu as portas do palácio de Castel Gandolfo a mais de 10 mil deslocados. Hoje, assim como outrora, a Igreja Católica está ao lado de quem sofre por causa de conflitos. Imagens exclusivas do Arquivo Fotográfico Vaticano. IT: Tra il 1943 e il 1944, in piena Seconda Guerra Mondiale, Papa Pio XII apre le porte del palazzo di Castel Gandolfo a più di 10.000 sfollati. Oggi come allora la Chiesa Cattolica è dalla parte di chi soffre a causa dei conflitti. Immagini in esclusiva dall’Archivio Fotografico Vaticano. #VaticanBnW #vintagephoto #awesomebnw #vatican #vaticano #CastelGandolfo #bnw #chiesacattolica #iglesiacatólica #catholicchurch #igrejacatolica #history #worldwar2 #PapaPioXII

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Sur les photographies rendues publiques par les archives photographiques du Vatican, on voit surtout des femmes et des enfants aux visages souriants malgré la précarité de leur situation : lits de fortune au sol, vêtements rapiécés et individus serrés les uns contre les autres à cause du manque de place.

Ces clichés inédits de réfugiés juifs ont été pris entre 1943 et 1944 au château de Castel Gandolfo, la résidence d’été des papes. Les photos ont été publiées sur le compte instagram du site Vaticannews.

Durant la Seconde Guerre Mondiale, la cité du Vatican a très tôt vu arriver nombreux juifs fuyant les persécutions nazies. Le pape Pie XII veut cependant prendre des mesures d’accueil plus concrètes et fait ouvrir les portes du palais apostolique de Castel Gandolfo. Les réfugiés y sont accueillis, nourris et soignés.

Le pape prend cette mesure dans la discrétion, pour éviter de trahir le statut de neutralité du Vatican durant cette période et pour garantir la sécurité des réfugiés, exposés aux rafles sur le sol italien. Le château de Castel Gandolfo accueille ainsi près de 10 000 juifs pendant environ un an.

Réhabiliter le Vatican durant la guerre

Ces archives mettent en lumière une action méconnue du Vatican durant la Seconde Guerre Mondiale, mais relancent aussi le débat autour du pape Pie XII (1939-1958). De nombreux historiens affirment qu’il aurait refusé d’apporter une aide quelconque aux juifs durant les rafles de Rome. La signature en 2009 d’un décret par Benoît XVI donnant le feu vert à sa béatification a relancé ce débat historique.

La publication de ces clichés intervient plus largement dans le cadre de la publication des archives du pontificat de Pie XII, souhaitée par Benoît XVI puis par le pape François. Ces archives se composent de plusieurs dizaines de millions de documents. L’ouverture et la mise à disposition de ces témoignages historiques permettraient de mieux cerner les volontés de Pie XII durant la guerre.

Source : La Croix  (Asmaa Boussaha)

Témoignage inédit sur le plan d’Hitler pour enlever Pie XII

PieXII-oiseauAntonio Nogara raconte, dans le journal officiel du Vatican, L’Osservatore Romano, en italien du 6 juillet 2016, « cette nuit de 1944… quand le substitut se précipita chez le directeur des Musées du Vatican ». Les alliés venaient de confirmer le plan de Hitler d’enlever Pie XII, déjà connu du pape grâce à l’ambassade d’Allemagne. Un témoignage oculaire important et inédit, traduit intégralement par Constance Roques pour Zenit, et reproduit ici.

Dans la Rome, « ville ouverte » de 1943 et 1944, le langage habituel recourait, avec une grande fréquence, aux mots s’éloigner, s’éclipser, se tenir en embuscade, se cacher, échapper, disparaître, en référence aux personnes, et cacher, masquer, camoufler, dissimuler, en référence aux choses ; des verbes qui se confrontaient aux noms d’arrestations, déportations, razzias, coups de filet, perquisitions et séquestrations, termes révélateurs de la situation difficile d’alors.

Malgré l’afflux de personnes déplacées en quête d’une aide et d’un refuge, la Ville surpeuplée semblait presque déserte. Promenades, réceptions et divertissements en général quasiment abolis ; les « sorties », parfois à la limite de l’aventure, étaient destinées à la recherche du strict nécessaire à repérer le plus près possible, en empruntant de préférence les chemins, ruelles et petites places où la contiguïté des magasins, porches et bifurcations offraient de plus grandes possibilités de se dissimuler ou des échappatoires.

Le soir, tout le monde à la maison, autour de radios grésillantes, de portée limitée ou troublée, le volume au plus bas, en quête d’informations, ou engagé, avec des proches et des voisins d’immeubles, dans des parties prolongées de « briscola », de « scopa » (jeux de cartes populaires, ndlt) et de jeux similaires, mais toujours l’oreille tendue pour percevoir le danger imminent dans le son suspect du pas cadencé d’une ronde, un ordre militaire sec, le bruit d’un véhicule, un coup de feu…

Les rassemblements indispensables pour des raisons vitales, prompts à se dissoudre au premier signal d’alarme, se formaient à l’abri des cantines publiques et des paroisses qui distribuaient des rations fournies par le vicariat ou par le Cercle de Saint Pierre qui, grâce à la générosité de la Société générale immobilière et à ses camions protégés par les drapeaux du Vatican – certains étaient aussi mitraillés, faisant des victimes parmi les chauffeurs – se trouvaient en Italie centrale (Ombrie et Toscane).

Dans l’attente des tours, l’anonymat et le caractère occasionnel des rencontres favorisaient les échanges de conversations de circonstance, banales et circonspectes, dans lesquelles la patience forcée commune se créait des moments d’exutoire par des interjections dont l’hyperbole sarcastique masquait souvent la protestation. Parmi toutes celles qui m’ont été rapportées, je fus frappé alors par celle de quelqu’un qui, racontant avoir assisté à des coups de filet systématiques et à des disparitions de parents et de connaissances, hasarda, d’un ton sournois : « il ne manquerait plus qu’ils nous emmènent le pape ! » L’expression, à la limite de l’imaginable, aurait eu l’effet voulu en se référant à la Coupole ou au Colisée mais, avec l’allusion au pontife, elle obtenait la plus grande efficacité, comme une malédiction dans la douleur, l’humiliation et l’effarement, réveillant dans le subconscient, croyant ou non croyant, la question angoissée : mais qu’en serait-il de Rome sans le pape, centre du christianisme ?

Le tourbillon des événements ne me détourna pas du souvenir de cette boutade, jaillie ingénument telle une effusion dans un moment de colère, mais pas si invraisemblable ni infondée du tout. Quelques semaines plus tard, le hasard allait m’en donner une preuve personnelle inattendue.

En 1921, étant donné les multiples charges qui étaient confiées à mon père Bartolomeo, outre la direction générale des Musées, le pape Benoît XV lui accorda, privilège convoité et exceptionnel pour un laïc marié avec des enfants, d’habiter dans le sacré Palais apostolique qui, avec les Musées, la Bibliothèque, les Archives et une partie circonscrite des jardins actuels, complétait le territoire du Vatican avant le Concordat et le traité du Latran de 1929. En dépit des meilleures dispositions de la part des officials compétents, l’exiguïté des lieux rendait difficile le repérage de locaux habitables et adaptés à un usage familial ; après plusieurs mois de recherche, l’attribution tomba sur un ensemble de salles abandonnées du Secrétariat des Brefs, donnant par deux amples baies vitrées sur le centre du bras central de la Troisième Loge, avec par derrière des chambres et des couloirs qui donnaient sur le corridor du Triangle. L’accès était à côté de l’ascenseur, qui fonctionnait à l’eau à cette époque et servait aussi les autres « loges » de la Cour Saint Damase.

Quand la Secrétairerie d’État était fermée, la Troisième Loge déserte devenait un déambulatoire idéal avec vue sur Rome d’un bout à l’autre, par beau temps comme par mauvais temps. Mes parents en profitaient le soir après le repas ; souvent je les rejoignais et plus d’une fois je les trouvai en train de converser avec Monseigneur Giovanni Battista Montini qu’ils rencontraient alors qu’il sortait, bien au-delà des horaires, de la Secrétairerie d’État pour rentrer dans son logement situé au dos de la Première Loge, non loin de l’appartement Borgia.

Les contacts de mon père, pour raison de travail, avec Mgr Montini étaient presque quotidiens et les rencontres vespérales répétées, devenues habituelles avec les années, avaient aussi pris une empreinte familière pour ma mère et pour moi. À part l’heure – il devait être vingt-trois heures – je n’éprouvai donc pas de surprise particulière lorsqu’à un moment avancé de la soirée, en plein hiver 1944, entre la fin janvier et les premiers jours de février, ayant entendu la sonnette de l’entrée, je me trouvai face à Mgr Montini qui, entrant rapidement et fermant immédiatement la porte dans son dos, me dit qu’il « devait » rencontrer « le professeur » d’urgence.

Embarrassé de me trouver en robe de chambre et en pantoufles, je le priai de s’asseoir dans le studio-bibliothèque et je courus chez mon père qui était déjà au lit sous deux lourdes couvertures, son bonnet de nuit sur la tête et un édredon sur les pieds. Le chauffage avait été interdit par manque de charbon et par respect pour les sacrifices imposés aux Romains par les circonstances ; la chambre, exposée au nord, était particulièrement froide.

Par les temps qui couraient, surpris mais non contrarié compte tenu du caractère d’urgence manifesté par un personnage connu pour sa discrétion, mon père se rhabilla prestement. Je ne me souviens pas comment je me suis occupé de notre hôte illustre jusqu’à ce que, plus rapidement que prévu, mon père apparaisse ; après un bref conciliabule entre eux deux, ils sortirent à la hâte : mon père emmitouflé tenant à la main le lourd trousseau des clés du Musée et de la Bibliothèque, Mgr Montini avec une torche électrique qu’il avait posée sur un coffre dans l’entrée, torche du type de celles dont étaient dotés les pompiers pour leurs rondes nocturnes.

Préoccupé pour la santé de mon père plus que pour les motifs de cette excursion qui avait clairement pour objet les musées, j’attendis avec ma mère le retour qui advint au bout de presque trois heures. Mon père, qui paraissait très éprouvé et transi, nous rassura laconiquement et, renvoyant le compte-rendu à de meilleures heures, se mit au lit avec détermination et l’air préoccupé.

Ce n’est que le lendemain après-midi qu’avec la recommandation de maintenir le secret absolu, mon père nous révéla que l’ambassadeur du Royaume-Uni, sir Francis d’Arcy Osborne, et le chargé d’Affaires des États-Unis, Harold Tittmann, avaient averti ensemble Mgr Montini qu’ils avaient eu vent, par leurs services militaires d’information respectifs, d’un plan avancé du Haut Commandement allemand pour capturer et déporter le Saint-Père sous le prétexte de le mettre en sécurité « sous la haute protection » du Führer. Auquel cas, considéré comme imminent, les forces alliées interviendraient immédiatement pour bloquer l’opération, y compris par des débarquements au nord de Rome et un lâcher de parachutistes. Il fallait par conséquent préparer aussitôt un refuge secret où le Saint-Père serait introuvable pour le temps strictement nécessaire, deux ou trois jours, à l’intervention militaire.

Telles étaient la substance et la portée de la démarche diplomatique anglo-américaine, confidentiellement exposée par Mgr Montini à mon père, mobile exceptionnellement dramatique de l’excursion nocturne, qui devait naturellement être gardée secrète. C’est dans ce but que, toujours selon le récit de mon père, la recherche commença cette nuit-là, de la Galerie lapidaire à l’escalier de Bramante et, de là, dans les locaux de la vieille Direction des Musées et annexes, autour de la Grande Niche, et de la cour octogonale jusqu’à la Cour de la Pomme de pin, sans négliger les pièces mineures servant de dépôts, débarras, vestiaires à adapter éventuellement ; mais malheureusement, la recherche autour de ces locaux s’avéra négative.

Excluant a priori, pour sa trop grande visibilité, la Pinacothèque et le bâtiment attaché à la nouvelle entrée, partiellement habité, et excluant les magasins des Marbres dont la structure les rendait inhabitables, une pause s’imposait. La recherche, jusqu’alors décevante, fut étendue à la Bibliothèque qui, ne présentant pas de solutions internes, inspira cependant à mon père, qui y avait travaillé plus de dix ans comme « scrittore » au début du siècle, l’idée de visiter aussi la Tour des Vents contiguë et la visite confirma les attentes.

La grosse tour massive et élégante, en état de semi-abandon, se révéla contenir un dédale de pièces, de couloirs, d’escaliers et de petites échelles, un mini-labyrinthe dans un emplacement favorable pour un trajet couvert et rapide à parcourir. Mgr Montini en sembla convaincu et conclut l’extraordinaire galopade en rentrant à la maison.

Il ne fait pas de doute qu’il s’est bien agi d’une galopade, vu le rythme de marche que Mgr Montini avait imprimé dans la fougue de sa recherche et auquel mon père, qui avait trente ans de plus que Montini, résista bien (Bartolomeo Nogara avait alors presque 76 ans, Montini 46). Mon père rappelait aussi que son illustre compagnon de galopade, malgré l’angoisse de la recherche, manifestait de temps en temps de brefs commentaires sur la beauté suggestive des œuvres d’art entrevues par intermittence dans un rayon de lumière, au cours de cette rapide recherche. Quant au choix définitif du refuge, mon père était personnellement convaincu du caractère improbable de la solution d’y recourir, s’agissant d’un expédient précaire, d’une sécurité relative et d’une validité dans le temps très réduite. Il avait aussi proposé à Mgr Montini un plan alternatif en réserve, à savoir d’étendre la recherche à la basilique Saint Pierre, avec ses tenants et ses aboutissants, souterrains compris, comme siège peut-être plus sûr dans la fâcheuse hypothèse de la séquestration du Saint-Père. Mon père conclut le compte-rendu, nous fixant d’un regard plein d’amour, par la phrase « Que Dieu nous aide », invocation qui était aussi une invitation : « Ne me posez pas d’autre question ».

Un long silence s’ensuivit, ma mère anéantie entre incrédulité et effarement, moi surpris par la tournure que prenaient à l’improviste des événements qui demandaient la recherche immédiate de solutions certainement à haut risque personnel, y compris pour les amis que nous avions aidés à se cacher au Vatican et que nous ne voulions pas abandonner. Outre le sort malheureux et humiliant du Saint-Père à qui nous étions liés par l’affection et la dévotion, planait sur nous la pensée oppressante qu’une visite des SS ne serait bénéfique pour personne, réfugiés juifs et non juifs, avec les mesures de rétorsion possibles sur les résidents ecclésiastiques et laïcs. Quelques semaines agitées se passèrent dans l’attente spasmodique autant que vaine de développements réconfortants de l’Opération Schingle, étant donné l’enchaînement d’informations contradictoires provenant de diverses sources autorisées elles aussi.

Je me souviens ensuite comme d’un jour de grand soulagement de celui où mon père, rentrant à la maison après une de ses visites presque quotidiennes à la Secrétairerie d’État, nous confia que le plan d’Hitler était déjà connu depuis longtemps du Vatican qui avait été alerté par des indiscrétions privées allemandes de personnes hostiles au plan en question. L’ambassade d’Allemagne elle-même aurait souligné à Berlin les inévitables réactions négatives parmi les populations catholiques, y compris dans les différents pays neutres. La folle opération redoutée n’aurait pas lieu grâce aux prises de position internes des autorités diplomatiques allemandes à Rome. Il est cependant certain que les appréhensions pour la sécurité du pontife ne prirent fin qu’après l’abandon de Rome par l’armée allemande.

La solution pacifique à cet événement ne dissipa nullement certains motifs de perplexité qui l’accompagnèrent et que nous ne pouvons négliger, puisque nous en parlons. Il est hors de doute que les informations apportées par les deux ambassadeurs alliés étaient d’une gravité telle, même par rapport à ce qui était déjà su, qu’elle incita Mgr Montini à s’activer aussitôt pour faire face immédiatement, à l’improviste, à une situation d’urgence. Il est aussi impensable que Mgr Montini n’ait pas aussitôt informé de la démarche diplomatique le cardinal Luigi Maglione, alors secrétaire d’État, sans exclure des consultations plus larges et plus hautes. L’intervalle d’environ quatre heures, entre ses remerciements aux deux ambassadeurs et la solitaire visite-intrusion chez Bartolomeo Nogara, trouverait son explication dans ces consultations internes préalables à la Secrétairerie d’État. L’assurance d’une intervention immédiate qui aurait libéré le pontife en l’espace de quelques jours firent sans doute affleurer des motifs d’incertitude et de scepticisme quant au très bref délai annoncé pour l’intervention militaire, comme sur la possibilité de s’opposer aux éventuels soldats allemands qui, certainement bien entrainés et préparés dans ce but, auraient agi à coup sûr en une demi-heure ou à peine plus.

Avec du recul, en reparlant de cette excursion nocturne avec les doutes qui l’accompagnèrent, mon père exprima sa conviction qu’en cette circonstance Mgr Montini, quelles que fussent ses estimations personnelles, s’acquittait d’un devoir avec les scrupules et le zèle qui le caractérisaient. Dans la situation dramatique de ces mois, la dénonciation conjointe des ambassadeurs des deux plus grandes puissances alliées ne pouvait en aucune manière être ignorée. Heureusement, l’exécrable événement fut conjuré, épargnant l’histoire de pages plus douloureuses que celles qu’elle avait déjà écrites en ces temps-là. Je considère aujourd’hui pratiquement partagée par tous la conviction exprimée par mon père que Pie XII, en raison de son sens élevé de la dignité, du caractère fort dont il a fait preuve en diverses circonstances et du sens élevé de l’honneur qui a toujours accompagné son magistère, n’aurait jamais admis de compromis en négociant sa propre sécurité contre des solutions incompatibles – même minimes – avec la dignité et le prestige du pontife et de l’Église.

L’évocation de souvenirs de cette période vécue intensément réveille encore en moi des émotions apaisées comme celle des amples baies vitrées de la Troisième Loge qui tremblaient au grondement cadencé des coups de canon sur le front, désormais proche des « Castelli Romani », annonçant des temps nouveaux qui allaient bientôt frapper à nos portes.

 

Le Vatican n’a pas aidé les criminels nazis à fuir

L’Osservatore Romano rapporte la thèse de Pier Luigi Guiducci, professeur d’histoire de l’Église au centre diocésain de théologie pour laïcs Ecclesia Mater de l’université du Latran (Zenit du 10 août). Un éclairage utile (on se souvient d’une scène du film Amen de Costa-Gavras qui appuyait cette thèse, cf photo).

Dans le film Amen

« L’Église et le Vatican n’ont en aucune façon aidé la fuite des criminels nazis », affirme Pier Luigi Guiducci, professeur d’histoire de l’Église au centre diocésain de théologie pour laïcs Ecclesia Mater de l’université du Latran. Des propos rapportés par L’Osservatore Romano du 26 mai 2015.

Auteur de l’ouvrage « Au-delà de la légende noire » (Oltre la leggenda nera, Milan, Mursia), il travaille depuis dix ans « dans les archives allemandes, croates, italiennes, argentines et américaines, pour démentir des affirmations qui se révéleront infondées ou inventées et ne résisteront pas à l’analyse historique ».

Pour l’historien, « l’Église et le Vatican n’ont en aucune façon aidé la fuite des criminels nazis. Si ceux-ci ont réussi à s’infiltrer parmi les réfugiés avec de faux papiers ou à utiliser des filières diplomatiques pour atteindre l’Amérique du Sud ou d’autres nations où ils pouvaient compter sur de bonnes couvertures, il n’y a aucune trace de connivences d’ecclésiastiques ou d’organisations catholiques, qui ne s’occupaient que d’activités humanitaires ».

Dans la préface du livre, le père jésuite Peter Gumpel, rapporteur de la cause de béatification du pape Pie XII, souligne que Pier Luigi Guiducci « est en mesure de prouver que les thèses de divers auteurs n’expriment, la plupart du temps, que des opinions, des suppositions, des convictions personnelles non confirmées par des documents historiques, qui font l’impasse sur des données divulguées après l’ouverture d’archives civiles ».

Source : Zenit

Pie XII : des milliers de Juifs sauvés grâce à une stratégie de « silence actif »

Pie XII - Pie12.com

La fondation Pave the Way (PTWF) a démarré un projet de recherche documentaire visant à révéler le maximum d’informations et de témoignages sur le pontificat de Pie XII, le pape de la seconde guerre mondiale, dans le but de briser l’ « obstruction » théorique due à l’absence d’informations accessibles au public, annonçait Zenit fin mai.

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Pie XII, pape d’Hitler ?

En 1929, le futur Pie XII parlait ainsi d’Adolphe Hitler : « Ou bien je me trompe vraiment beaucoup, ou bien tout cela se terminera pas bien. Cet être-là est entièrement possédé de lui-même : tout ce qu’il dit et écrit porte l’empreinte de son égoïsme ; c’est un homme à enjamber des cadavres et à fouler aux pieds tout ce qui est en travers de son chemin – je n’arrive pas à comprendre que tant de gens en Allemagne, même parmi les meilleurs, ne voient pas cela, ou du moins ne tirent aucune leçon de ce qu’il écrit et dit. – Qui parmi tous ces gens, a seulement lu ce livre à faire dresser les cheveux sur la tête qu’est Mein Kampf ? »

C’est un extrait cité par Andrea Tornielli, dans une biographie traduite aux éditions du Jubilé et Tempora. L’auteur de ce livre, lequel est devenu une référence sur la « question Pie XII », est l’un des meilleurs vaticanistes actuels, journaliste au quotidien italien Il Giornale. Vous trouverez une rencension de son ouvrage ici.

A cela, il faut aussi ajouter qu’Hitler avait l’intention d’enlever et éliminer Pie XII : lire ici et .

Attitude de Pie XII face au nazisme (4/4)

Quelle fut l’attitude du cardinal Eugenio Pacelli /Pie XII, germanophile reconnu, face au nazisme ? Sa phobie du communisme l’amena-t-il sinon à soutenir du moins à laisser faire, implicitement ou explicitement, le national-socialisme ? Comment Pie XII était-il perçu par les nazis ?

Pie XII distribuant du pain au Vatican

4) Cas unique : un pape médiateur pour la mise en place d’un coup d’Etat

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