Pie XII « vénérable » : réflexions de M. Lewy, du card. Kasper et du prof. Israël

La béatification éventuelle de Pie XII demeure une « affaire interne à l’Eglise » estiment le cardinal Kasper et l’ambassadeur d’Israël près le Saint-Siège, alors qu’à Rome, on attend beaucoup de la visite du pape Ratzinger à la grande synagogue. Justement dans cette perspective, le prof. Israël met en garde contre toute manipulation visant la division entre juifs et catholiques.


A Rome, on attend beaucoup de la visite du pape à la grande synagogue

Le cardinal Walter Kasper est, rappelons-le, en tant que président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, également président de la Commission pontificale pour les rapports religieux avec le judaïsme.

L’ambassadeur d’Israël près le Saint-Siège, M. Mordechay Lewy, a rappelé que la première visite de Benoît XVI à la synagogue de Rome, est prévue le 17 janvier 2010, date, pour la conférence des évêques italiens, du Jour consacré aux rapports avec le judaïsme. « Ce sera un événement historique, j’espère qu’elle aura lieu », a déclaré l’ambassadeur qui se dit « optimiste ». Pour ce qui est de Pie XII, l’ambassadeur a déclaré : « Sa béatification est un fait interne à l’Eglise ».

« C’est vrai, c’est une question interne à l’Eglise, pour laquelle il n’est pas possible d’accepter des ingérences », a répondu le cardinal Kasper.

Et pour ce qui est du jugement historique il se désole que l’on ne s’intéresse pas – notamment dans la communauté juive – aux archives d’Eugenio Pacelli déjà « accessibles », jusqu’en 1939 et « très intéressantes ».

Rappelons qu’Eugenio Pacelli, en tant que substitut de la secrétairerie d’Etat sous Pie XI et parfait germanophone est un des principaux artisans de l’encyclique de Pie XI qui a condamné le nazisme en 1937 : « Mit brennender sorge ».

Ces archives contiennent également les notes quotidiennes d’Eugenio Pacelli après ses rencontres avec Pie XI.

Pour sa part, le prof. Giorgio Israël avertit dans « Il Foglio » que Pie XII ne doit pas être utilisé pour mettre la division entre juifs et chrétiens. « Tenons-nous en aux faits, demande l’homme de science. Quoiqu’on veuille dire contre l’évidence, Ratzinger, en tant que cardinal et ‘théoricien’ du pontificat de Jean-Paul II, et ensuite en tant que pape, est un acteur du progrès des rapports judéo-chrétiens – et je souligne le mot ‘rapport’ au lieu de ‘dialogue’. Qui veut continuer dans cette direction ne doit pas laisser de place à qui travaille à une dramatique marche arrière ».

« On doit mettre en œuvre toutes les discussions utiles pour créer un contexte dans lequel la question de Pie XII ne devienne pas le thème de la visite du pape à la synagogue, a fait observer le prof. Israël. Mais tout doit être fait pour ne pas faire sauter cette visite : ce serait le plus beau cadeau de qui préfère cultiver la graine de la discorde. Juifs et chrétiens ont trop de choses en commun et d’initiatives à mener à bien : à commencer par celle de la liberté religieuse dans toutes les régions du monde ».

Par le décret reconnaissant les « vertus héroïques » de Pie XII (1876-1958), samedi 19 décembre, Benoît XVI a fait avancer d’un cran la cause de béatification du pape Pacelli.

Rappelons cependant que pour que la cause aboutisse, il faudrait un « miracle » qui soit d’abord soumis à l’examen rigoureux d’une commission locale, diocésaine, là où il s’est produit, puis d’une commission de la congrégation pour les causes des saints. Les résultats devraient ensuite être présentés à Benoît XVI.

Et si un miracle était au bout du compte reconnu par le pape, il faudrait une décision ultérieure pour la béatification : les conditions requises une fois réunies, rien n’est automatique. Le pape est le seul à décider souverainement de procéder ou non à la béatification, il pèse notamment les bienfaits pastoraux d’un tel geste.

La communauté juive dans son ensemble a lu dans la promulgation du décret, parmi 21 autres, samedi dernier, un jugement de Benoît XVI sur l’histoire de la seconde guerre mondiale, alors que depuis la publication de la pièce de Rolf Hochhuth, « Le Vicaire », la figure de Pie XII est accusée de « silence » pendant la Shoah.

Le vicariat hébréophone des catholiques en Israël a invité hier à tenir compte du cri de douleur exprimé dans le « n’en a pas assez fait » adressé non seulement au pape mais au monde de l’époque de la Shoah.

Cependant des recherches historiques récentes (Pierre Blet et Philippe Chenaux, notamment en français) on lavé la mémoire de Pie XII des accusations des années 60, confirmant le bien fondé de l’éloge de la communauté juive internationale à la mort du pape Pacelli, en 1958.

Enfin, avant-hier, l’historienne Anna Foa, invitait à maintenir la distinction entre « béatification » et « jugement historique ».

Source : Zenit

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