Pie XII : les archives du pontificat ouvrent le 2 mars

Le 2 mars 2020 ouvriront les archives du pontificat du pape Pie XII (2 mars 1939 – 9 octobre 1958). A dix jours de l’évènement, une conférence de presse présentant cet événement se tiendra demain, 20 février 2020, au Bureau de presse du Saint-Siège.

C’est en mars 2019 que le pape François avait annoncé sa décision d’ouvrir les archives concernant le pontificat de Pie XII qui « s’est trouvé à conduire la barque de Pierre à l’un des moments les plus tristes et les plus sombres du XXe siècle », avait-il alors déclaré.

La conférence de presse verra la participation du cardinal José Tolentino Calaça de Mendonça, archiviste et bibliothécaire de la Sainte Église Romaine, de Mgr Sergio Pagano, préfet des Archives secrètes du Vatican et du professeur Paolo Vian, vice-préfet. Les Archives apostoliques du Vatican seront aussi présentées par Luca Carboni, Giovanni Coco et Alejandro M. Dieguez.

D’autres experts sont annoncés au point presse : Mgr Alejandro Cifres Giménez, des Archives de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi; Mgr Luis Manuel Cuña Ramos, des Archives historiques de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, et Johan Ickx, des Archives historiques de la Section des relations avec les États du Secrétariat d’État.

Trois grands groupes de documents constituent le fonds d’archive du pontificat du pape Pie XII :

  1. les représentations pontificales ;
  2. la secrétairerie d’État ;
  3. les congrégations romaines.

En tout, il s’agit de quelque 16 millions de feuillets, plus de 15.000 enveloppes et 2.500 fascicules. Une vingtaine d’archivistes ont collaboré au travail de préparation de la documentation : description des différentes positions (protocoles, fascicules, enveloppes, etc.) ; numérotation des feuillets ; timbrage des feuillets pour des raisons de sécurité ; reliure des fascicules de papiers plus détériorés ou plus délicats. L’inventaire avait commencé en 2006 selon la volonté du pape Benoît XVI.

Source : Zenit.

Qui était le futur Pie XII ?

Alors que la chaîne Arte rediffuse le film peu historique Amen de Costa-Gavras (lire notre critique), une émission de KTO sur les origines du pape Pie XII.

Depuis la pièce de théâtre Le Vicaire (1963) de l’Allemand Rolf Hochhuth, Pie XII est la cible d´attaques régulières. Accusé au mieux de naïveté, au pire d´antisémitisme, on lui reproche de ne pas avoir condamné publiquement la Solution finale. Il aurait été ainsi un « pion » au service d´Hitler. Invité de l´émission « Au risque de l’histoire », Marie Levant et Frédéric Le Moal proposent de saisir cette personnalité complexe avant son élection sur le trône pontifical, en 1939. Qui était Eugenio Pacelli ? Comment vécut-il la Grande Guerre de 1914-1918 auprès du pape Benoît XV ? Quel a été son rôle diplomatique à Munich entre les deux Guerres mondiales ? Comment enfin était-il considéré par les chancelleries à la veille de son élection ? Eloignée d’une vision binaire, cette émission vise à comprendre comment Eugenio Pacelli s’est battu contre les totalitarismes dès avant 1939. Deuxième opus de 7 rendez-vous de 52 minutes. Une émission KTO animée par Christophe Dickès, en partenariat avec StoriaVoce.

« L’Eglise n’a pas peur de l’Histoire » : le pape François ouvre les archives sur Pie XII

Les archives secrètes du Vatican contiennent des fonds importants et variés provenant des Congrégations et des Bureaux de la Curie romaine, ainsi que des dépôts de familles patriciennes romaines et, depuis 1660, la correspondance de la Secrétairerie d’État du Vatican.

Le pape François a autorisé l’ouverture des archives secrètes du Vatican sur le pontificat de Pie XII, comme nous le rapporte l’AFP dans une dépêche… pour le moins controversée.

« Afin de pouvoir faire la lumière sur l’action de Pie XII pendant la seconde guerre mondiale, le pape François a annoncé, lundi 4 mars, que les archives secrètes du Vatican sur son pontificat (1939-1958) seraient ouvertes en mars 2020, ce que de nombreux chercheurs réclament depuis plusieurs années“, annonce l’AFP dans une dépêche reprise dans de nombreux médias. « J’ai décidé que l’ouverture des archives du Vatican pour le pontificat de Pie XII aurait lieu le 2 mars 2020, au 81e anniversaire de l’élection d’Eugenio Pacelli à la papauté »a déclaré le pape en recevant les archivistes du Saint-Siège.

Pour l’Agence France Presse (AFP) – et de nombreux journalistes – le pontificat de Pie XII est “controversé”, en raison d’un prétendu “silence”, compris comme “une complicité passive”… (lire notre article à ce sujet). Silences que le pape François lui-même avait déclaré ‘utiles’ (lire ici), Pie XII ayant sauvé 11.000 Juifs romains (lire ici). Citons aussi, par exemple, le Grand Rabbin de Roumanie, qui avait estimé à 400.000, les juifs de Roumanie sauvés de la déportation par l’œuvre de St Raphaël organisée par Pie XII… (lire ici).

« L’Eglise n’a pas peur de l’Histoire »

« L’Eglise n’a pas peur de l’Histoire », a affirmé François, en rappelant que Pie XII s’était retrouvé à la tête de l’Eglise « en un moment parmi les plus tristes et sombres du XXe siècle ». « J’assume cette décision (…), sûr que la recherche historique sérieuse et objective saura évaluer sous sa juste lumière, avec les critiques appropriées, les moments d’exaltation de ce pape et, sans doute aussi les moments de graves difficultés, de décisions tourmentées, de prudence humaine et chrétienne », a-t-il ajouté.

« Diplomatie cachée mais active »

Ces décisions « pourront paraître à certains comme une réticence et furent en fait des tentatives (…) de maintenir, dans les périodes de ténèbres les plus profondes et de cruauté, la petite flamme des initiatives humanitaires, de la diplomatie cachée mais active », a assuré le pontife argentin, précise encore l’AFP.

De nombreux Juifs ont félicité Pie XII pour son action pendant la guerre

Mais, ce que l’AFP passe totalement sous silence, c’est que de nombreux Juifs ont félicité Pie XII pour son action pendant la guerre. En effet, immédiatement après la Seconde Guerre Mondiale et durant les années qui ont suivi, des centaines de manifestations d’estime envers Pie XII ont été apportées à son égard de la part des plus hautes autorités d’Israël depuis Mme Golda Meir et le Grand Rabbin de Jérusalem, jusqu’au Grand Rabbin de Rome, Elio Toaff (lire notre article).

Une pièce de théâtre et un film… controversés eux aussi !

En 1963, en pièce de théâtre, Le Vicaire, du dramaturge allemand Rolf Hochhuth, dresse un réquisitoire contre Pie XII, créant ainsi de toutes pièces une légende noire. Ce que ne dit pas non plus l’AFP à ce sujet, et comme on l’apprendra plus tard, il s’agissait en réalité d’une opération du bloc soviétique pour déstabiliser l’Eglise catholique, sous le nom “opération siège n°12”, donné en référence aux douze Apôtres. Thèse qui sera reprise en 2002 par le réalisateur d’obédience communiste Costa-Gavras, dont la société s’appelait K.G. production, en hommage au KGB, et qui déclara, pour son film, n’avoir pas voulu s’embarrasser d’historiens… L’affiche du film, amalgamant honteusement la croix nazie et la croix du Christ, fut réalisée par Oliviero Toscani, qui fut le célèbre auteur des campagnes de pub sulfureuses et polémiques de Benetton (lire notre critique à la sortie du film).

Depuis lors, comme le rappelle l’AFP, “« des organisations juives ont dénoncé comme une forme de complicité passive l’attitude de Pie XII face à la Shoah. Alors que ses successeurs Jean XXIII (1958-1963), Paul VI (1963-1978) et Jean Paul II (1978-2005) ont été canonisés, le procès en béatification de Pie XII, relancé en 2009 par Benoît XVI, est depuis au point mort.»

« Pour beaucoup d’historiens, poursuit l’AFP, il aurait dû condamner bien plus fermement le massacre des juifs mais ne l’a pas fait par prudence diplomatique et pour ne pas mettre en péril les catholiques dans l’Europe occupée. » Elle ajoute cependant : « Une pièce de théâtre de 1963, Le Vicaire, du dramaturge allemand Rolf Hochhuth, adaptée dans le film à charge Amen du Grec Costa Gavras en 2002, a largement contribué à cette image d’un pape lâche. D’autres historiens assurent en revanche qu’il a sauvé des dizaines de milliers de juifs italiens en demandant aux couvents de leur ouvrir leurs portes. »

Notre avis : l’ouverture des archives permettra de faire toute la lumière sur ces heures tragiques de notre histoire en toute objectivité historique. Tous ceux qui cherchent la vérité historique ne peuvent que s’en réjouir, qu’ils soient historiens, journalistes, ou simples curieux : affaire à suivre…

Quand des Juifs félicitaient Pie XII pour son action pendant la guerre…

Le Pape Pie XII en train d’écrire un de ses messages de Noël pour Radio Vatican.

Loin de la “légende noire” contre Pie XII, de nombreux Juifs ont félicité Pie XII pour son action pendant la deuxième guerre mondiale. Quelques exemples.

• 1940 – Time Magazine. Albert Einstein déclare que “L’Église catholique a été la seule à élever la voix contre l’assaut mené par Hitler contre la liberté “.

• 1942 – radio-message de Noël. Le pape Pie XII évoque “les centaines de milliers de personnes qui, (…) par le seul fait de leur nationalité ou de leur race, ont été vouées à la mort ou à une extermination progressive. Le lendemain, le New-York Times salue “le Pape (qui) se place à l’opposé de Hitler.

• 13 février 1945, Israële Zolli (1881-1956), Grand Rabbin de Rome, se converti au catholicisme et prend pour nom de baptême Eugène, en hommage à Eugène Pacelli, alias Pie XII.

• 7 septembre 1945. Giuseppe Nathan, commissaire de l’Union des communautés israélites, rend grâce au souverain Pontife, aux religieux et aux religieuses qui n’ont vu dans les persécutés que des frères, selon les indications du Saint-Père (L’ Osservatore Romano, 8-9-1945).

• 21 septembre 1945. Le docteur Leo Kubowitski, secrétaire du Congrès Juif Mondial, est reçu par Pie XII afin de lui présenter ses remerciements pour l’oeuvre effectuée par l’Eglise Catholique dans toute l’Europe en défense du peuple juif. (L’ Osservatore Romano, 23-9-1945)

• 29 novembre 1945, la United Jewish Appeal envoie une délégation de 70 rescapés des camps de concentration au Vatican pour exprimer à Pie XII la reconnaissance des juifs pour son action en leur faveur. (L’ Osservatore Romano, 30-11-1945).

• 1955, à l’occasion des célébrations du 10e anniversaire de la Libération. L’Union des Communautés Israélites proclame le 17 avril jour de gratitude pour l’assistance fournie par le pape durant la guerre.

• 26 mai 1955. 94 musiciens juifs, sous la direction de Paul Kletzki, ont joué sous les fenêtres du Vatican « en reconnaissance de l’œuvre humanitaire grandiose accomplie par le Pape pour sauver un grand nombre de juifs pendant la seconde guerre mondiale »

• 9 Octobre 1958. A la mort de Pie XII, le Premier Ministre Israélien Golda Meir déclare : “Pendant la décennie de terreur nazie, quand notre peuple a subi un martyre terrible, la voix du pape s’est élevée pour condamner les persécuteurs… Nous pleurons un grand serviteur de la paix.”

• 10 Octobre 1958. Le Dr. Elio Toaff, Grand Rabbin de Rome, déclare : Les juifs se souviendront toujours de ce que l’Eglise catholique a fait pour eux sur l’ordre du Pape au moment des persécutions raciales. Il ajouta : de nombreux prêtres ont été emprisonnés et ont sacrifié leur vie pour aider les juifs “. (Le Monde 10.10.1958).

• 1963. M. Pinchas Lapide, consul d’Israël à Milan du vivant de Pie XII, déclare au journal Le Monde : Je peux affirmer que le pape, le Saint-Siège, les nonces et toute l’Eglise catholique ont sauvé de 150.000 à 400.00 juifs d’une mort certaine… L’église catholique sauva davantage de vies juives pendant la guerre que toutes les autres églises, institutions religieuses et organisations de sauvetage réunis “. (Le Monde le 13.12.1963). Judith Cabaud dans son livre Eugenio Zolli écrit : En examinant les statistiques, il (Lapide) met en lumière l’écart considérable entre le nombre de juifs sauvés par l’Eglise et l’ensemble des réalisations de la Croix Rouge internationale ainsi que les démocraties occidentales.

• 1964. M. Maurice Edelman, Président de l’Association anglo-juive, député travailliste, déclare : L’intervention du pape Pie XII a permis de sauver des dizaines de milliers de juifs pendant la guerre “. (La Gazette de Liège, 3 janvier 1964).

• 1975. Le Dr Safran, Grand Rabbin de Roumanie, a estimé à 400.000, les juifs de Roumanie sauvés de la déportation par l’œuvre de St Raphaël organisée par Pie XII. La médiation du Pape sauva les juifs du désastre, à l’heure où la déportation des Roumains était décidée (Pie XII face aux nazis, Charles Klein – S.O.S. 1975).

• 16 Février 2001, interview au “Weekly Standard. Le grand rabbin de New York, David Dalin, déclare que Pie XII était injustement attaqué alors qu’il peut être considéré comme “un juste, aux yeux des Juifs. Il fut un grand ami des Juifs et mérite d’être proclamé “Juste parmi les Nations parce qu’il a sauvé beaucoup de mes corréligionnaires, bien plus même que Schindler… Selon certaines statistiques, au moins 800.000 “. Il rend hommage à l’écrivain Antonio Gaspari pour son ouvrage Les juifs sauvés par Pie XII et rappelle qu’ au cours des mois où Rome a été occupée par les nazis, Pie XII a donné pour instruction au clergé de sauver des juifs par tous les moyens. Lorsqu’on a remis au cardinal Palazzini la médaille des justes pour avoir sauvé des juifs, il affirmait : “le mérite en revient entièrement à Pie XII”.

Et d’ajouter : “Jamais un pape n’a été autant félicité par les Juifs. Immédiatement après la Seconde Guerre Mondiale et durant les années qui ont suivi, des centaines de manifestations d’estime envers Pie XII ont été apportées à son égard de la part des plus hautes autorités d’Israël depuis Mme Golda Meir et le Grand Rabbin de Jérusalem, jusqu’au Grand Rabbin de Rome, Elio Toaff “.

La guerre et le Vatican, secrets de la diplomatie du Saint-Siège

La guerre et le Vatican. Les secrets de la diplomatie du Saint-Siège : ce nouveau livre nous apporte un précieux éclairage sur la question Pie XII.

 

Éclairage de notre historien Frédéric Le Moal

Avec son étude très bien documentée qu’il publie aux éditions du Cerf, Johan Ickx, directeur des Archives historiques de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, verse une pièce capitale au dossier Pie XII. Sa grande originalité repose sur la période traitée : celle de la Première Guerre mondiale.

Les accusations de complaisance du Vatican à l’égard de l’Allemagne ne concernent pas seulement la période 1939-1945. Elles ont commencé à fleurir à l’époque de la Grande Guerre et visaient le pape Benoît XV, mais aussi le brillant diplomate qui ne cessait de gravir les échelons : Mgr Pacelli, le futur Pie XII. Déjà les journalistes, les hommes politiques, les membres du clergé reprochaient au Saint-Siège un coupable silence, expression d’une germanophilie enracinée chez des prélats désireux entre autres de maintenir le très catholique empire d’Autriche-Hongrie. De 1914 à 1939, du soutien aux Habsbourg à celui aux nazis, la route était droite et bien tracée !

Or, c’est cette thèse grotesque que remet en cause, archives vaticanes à l’appui, Johan Ickx dans son passionnant et très précis ouvrage. Son travail repose sur la question des exactions allemandes exercées en Belgique lors de l’invasion d’août 1914 et dont l’incendie de la très prestigieuse université de Louvain devint le vibrant symbole.

La question des responsabilités se posa en ces termes : les Allemands agirent-ils en représailles des actions des francs-tireurs belges ou montèrent-ils une opération d’intoxication pour procéder à une destruction destinée à terroriser la population et à briser son esprit de résistance ? Se rajoutait à cela une autre problématique : celui du silence de Benoît XV devant le « martyr » de la catholique Belgique ?

Ce que démontre Johan Ickx est en fait lumineux : le Vatican fut très mal informé par la nonciature à Bruxelles tenue par Mgr Tacci-Porcelli et le diplomate Mgr Sarzana qui joua un rôle central pour convaincre Rome d’adhérer à la thèse allemande. Une contre-offensive fut menée par le recteur de l’Université de Louvain, Mgr Ladeuze, qui écrivit un long et détaillé rapport pour le pape mais qui n’arriva à Rome qu’en septembre 1915, un après sa rédaction !

Mgr Pacelli, qui occupait déjà une place importante dans le système diplomatique du Saint-Siège, s’empara du dossier et entretint des liens avec ce que Johan Ickx appelle le « club des cinq ». Ce groupe était composé de cinq personnes dont Mgr Deploige, professeur à l’université de Louvain, et exerça une pression considérable pour faire évoluer la position du Vatican en faveur de la Belgique et la détacher de l’Allemagne.

Le principal intérêt du livre est de démontrer le soutien de Mgr Pacelli à cette action, sa proximité avec les Anglais, son influence dans la mise à l’écart des diplomates germanophiles. On découvre en fait ce qu’était et ce que sera sa ligne diplomatique : « ce jeune secrétaire était pleinement acquis à la cause des Alliés – même si, comme le remarqua Mgr Deploige lui-même, il ne le laissa jamais transparaître – à condition que le sort des catholiques allemands ne soit pas entaché et que la position impartiale du Saint-Siège soit préservée. »

Bref, les archives du Vatican parlent et innocentent Pie XII.

Frédéric Le Moal

Présentation de l’éditeur

100 ans, c’est le temps qu’il aura fallu pour exhumer, ici, des documents secrets, conservés au Vatican et à Bruxelles. Ces derniers révèlent que le Saint-Siège était miné de l’intérieur dès le début de la guerre, et qu’à partir de l’année 1915, à Rome, une contre-diplomatie des Alliés agissait. Sa mission : résister à l’Allemagne. Elle pouvait compter sur la sympathie de Mgr Pacelli, futur Pie XII. Outre de clarifier le rôle de Benoît XV, à qui on a tant reproché de ne pas avoir pris position pendant la Grande Guerre, ce livre dévoile l’action menée par Pacelli, pour s’opposer à la propagande allemande et rapprocher le Saint-Siège, la Belgique, la France et l’Angleterre, c’est-à-dire les Alliés. Après un demi-siècle de débats, cet ouvrage met un terme à la querelle : plus jamais il ne sera permis d’accuser l’Église de complaisance envers l’Allemagne guerrière.

Johan Ickx, La guerre et le Vatican. Les secrets de la diplomatie du Saint-Siège (1914-1915), éditions du Cerf, août 2018, 296 p., 24 €

En 1930, la première femme embauchée par les Musées du Vatican était… juive !

Elle s’appelait Hermine Speier.

Le 2 mai dernier, les descendants du professeur Bartolomeo Nogara ont remis aux autorités vaticanes les carnets de leur ancêtre, directeur des Musées du Vatican de 1920 à 1954. Véritables pans de l’histoire du Saint-Siège durant la Seconde guerre mondiale, ces 41 carnets mettent en lumière le remarquable itinéraire d’Hermine Speier, réfugiée juive allemande dans les Musées et première femme embauchée par l’institution muséale.

Pionnière en son domaine de spécialité – l’archive de photos archéologiques -, érudite au destin sinueux qui a subi de plein fouet la tragédie de l’Histoire, Hermine Speier est une archéologue méconnue. Et pourtant, en tant que première femme employée par l’institution culturelle du Saint-Siège, elle est une figure essentielle à l’histoire des douze musées du Vatican. Issue d’une famille juive fortunée de Francfort-sur-le-Main, Hermine Speier fait ses humanités dans sa région de naissance, avant de poursuivre un doctorat à l’université d’Heidelberg en philologie et en archéologie classique, c’est-à-dire l’étude des vestiges antiques. Largement inspirée par le père de l’archéologie moderne, Johann Joachim Winckelmann, elle obtient son sésame en 1925.

Elle travaille ensuite aux archives photographiques de l’Institut allemand d’archéologie (DAI) à Rome, où elle acquiert une large reconnaissance professionnelle. Une ascension rapidement freinée par l’arrivée d’Hitler au pouvoir en 1933 qui la contraint à quitter ses fonctions, à la suite de la loi qui interdit aux Juifs tout travail dans la fonction publique.

Déjà dans la Ville éternelle, Hermine Speier se réfugie aux Musées du Vatican où elle gagne le soutien du directeur de l’époque, Bartolomeo Nogara. Il l’embauche aux archives photographiques du musée pontifical, le Pape Pie XI signe son contrat en 1934, et fait d’elle la première femme à occuper un poste au sein de l’institution, et l’une des premières à travailler au service du Saint-Siège. Par cette embauche, le plus petit État du monde envoie ainsi un double message: contre l’antisémitisme nazi et pour l’emploi des femmes. Au sein des Musées, alors en pleine expansion à la suite des accords de Latran, Hermine Speier initie la classification des archives photographiques en trois périodes : classique, médiévale et moderne.

Comme les premiers chrétiens

En 1939, à la veille de la guerre, Pie XI décède et c’est un de ses très proche collaborateur, le cardinal Eugenio Pacelli, qui est élu sous le nom de Pie XII. Alors que l’Allemagne nazie est plus menaçante que jamais, que le Vatican est entouré par l’Italie fasciste, il n’hésite pas à confirmer le choix de Pie XI d’employer cette femme juive, nous rapport aussi Aletiea. La même année, Hermine se convertit librement au catholicisme et reçoit à cette occasion un télégramme de félicitations du souverain pontife. Preuve de l’affection réelle du Pape pour cette femme qui ne partageait jusqu’alors pas sa foi en Jésus-Christ. Malgré son baptême, Hermine Speier est toujours considérée comme juive par les nazis qui occupent la ville de Rome en 1943-1944 et Pie XII s’occupe personnellement de sa protection. L’archéologue allemande est ainsi cachée parmi les religieuses du couvent des Catacombes de Sainte-Cécile ! Si jamais les nazis venaient à fouiller le couvent, elle pourrait alors s’enfuir dans les catacombes par un passage secret. Comme les premiers chrétiens…

Actrice de la vie culturelle vaticane

Responsable de nombreux événements culturels et instigatrice d’un salon littéraire, Hermine Speier se positionne comme une femme incontournable de la vie vaticane des décennies de l’après-guerre. Dans les années 1960, elle règne sur la collection d’antiquités des Musées. Elle ne prendra sa retraite qu’en 1967 avant de se retirer en Suisse, où elle décède en janvier 1989 à Montreux. A l’instar de son prédécesseur Pie XI, le Pape François a également procédé à une nomination féminine historique. Cette fois-ci au poste de directrice, l’historienne de l’art italienne, Barbara Jatta, nommée en janvier 2017.

Source : Vatican news (Delphine Allaire)

Un évêque contre le nazisme, aux mots d’une puissante actualité

Aujourd’hui encore les sermons de Mgr von Galen sont toujours d’actualité, par exemple sur l’euthanasie : «  Si l’on admet une première fois que des hommes ont le droit de tuer leurs semblables improductifs et si cela concerne maintenant tout d’abord seulement de pauvres malades mentaux sans défense, alors une entière autorisation est accordée pour le meurtre de tous les improductifs. » Après la recension du Père David Roure pour La Croix de ce nouveau livre sur celui qu’on surnommait le “Lion de Münster”, nous publions celle de Frédéric Le Moal, historien, en exclusivité pour notre blog !

On lira avec une très grande attention la biographie que Jérôme Fehrenbach consacre à la plus grande figure de l’épiscopat allemand de la période nazie et grand opposant à l’idéologie démoniaque du Troisième Reich, l’évêque de Münster Clemens August von Galen.

Issu d’une antique lignée aristocratique, von Galen en conserva toute sa vie la fierté, l’allure seigneuriale sans morgue et surtout le sens du devoir qui incombe à ceux qui ont beaucoup reçu. Le catholicisme ardent et ultramontain de ses parents le marqua en profondeur, autant que le souvenir des attaques anticatholiques du pouvoir bismarckien (le Kulturkampf). Il en hérita une profonde méfiance à l’encontre de l’Etat, qu’il fût monarchique ou républicain. Patriote sans être belliciste ou nationaliste et ni pacifiste d’ailleurs, il aimait son pays et son peuple qu’il protégea contre le communisme, le nazisme ou l’occupant américain en 1945. Géant par la taille mais aussi par le caractère, il n’était pourtant guère charismatique. Il n’empêche. Devenu évêque de Münster dans le cadre récent du concordat signé entre Berlin et le Vatican, il entra dans une guerre implacable contre le nazisme.

Il la livra uniquement sur le plan doctrinal, n’appelant jamais à la résistance ouverte, à la désobéissance ou au soulèvement. Ainsi prononça-t-il le serment d’obéissance au gouvernement exigé par le concordat mais en le subordonnant à son obéissance totale au siège de Pierre et au respect de sa conscience. Mais il parla. Ses sermons, à la fois simples, accessibles et profonds, servirent de détonateur pour beaucoup d’Allemands révulsés par l’idéologie nazie définie avec justesse par von Galen comme un néopaganisme déterminé à purger l’Allemagne de son christianisme. Ses mots furent lancés dans les églises de la très catholique Westphalie, reproduits dans des publications et repris dans sa correspondance avec les autorités du Reich. Von Galen semblait ne craindre personne, pas même Hitler auquel il écrivit directement.

A Rome, ni Pie XI ni Pacelli ne s’étaient trompés sur lui et ils l’associèrent à la rédaction de l’encyclique de condamnation du national-socialisme, Mit brennender Sorge. Pendant la guerre, il approuva la guerre contre l’URSS par rejet du communisme qu’il renvoyait dos à dos avec le nazisme. Comme deux faces d’une même médaille. Mais il ne cessa de prier pour la paix, sans jeter d’anathèmes sur l’ennemi, toujours désigné sous le terme d’adversaire.

Sans relâche, il dénonça les innombrables atteintes au concordat, la fermeture des monastères, des écoles religieuses, l’embrigadement des enfants arrachés à l’éducation de leurs parents, l’interdiction de l’enseignement de la religion. Son plus grand titre de gloire fut sa condamnation explicite du plan d’élimination des handicapés (le fameux programme T4 que les nazis appelaient… « La mort miséricordieuse » !). Il le fit dans des mots d’une puissante actualité : «  Si l’on admet une première fois que des hommes ont le droit de tuer leurs semblables improductifs et si cela concerne maintenant tout d’abord seulement de pauvres malades mentaux sans défense, alors une entière autorisation est accordée pour le meurtre de tous les improductifs. »  (lire ici l’intégralité de son sermon). L’évêque prévenait sans ambigüité que la liste des éliminés ne cesserait plus de s’élargir. « Alors plus personne parmi nous n’est assuré de la vie […] Qui peut dans ces conditions avoir encore confiance dans son médecin ? »

L’attaque était frontale. On écrit souvent qu’elle contraignit les nazis à suspendre leur œuvre de mort. Ce n’est qu’en partie exact. Jérôme Fehrenbach écrit qu’il « ne faut pas se méprendre, ni prêter une quelconque efficacité aux sermons du Lion de Münster ». La reculade de Hitler s’explique par la guerre en Russie qui demandait des soldats dociles, et d’ailleurs l’élimination reprit au bout de quelques mois. En vérité, ceux qui imaginent que la parole d’un évêque, fût-ce celle de l’évêque de Rome, aurait permis d’arrêter la machine de mort hitlérienne ne savent pas qui étaient les nazis. Au Vatican en revanche, on le savait.

La biographie se penche aussi sur la question de la persécution des juifs allemands. Le silence de von Galen lui est vivement reproché aujourd’hui – à lui aussi ! – par ceux qui se savent pas non plus ce qu’était le poids des responsabilités lors d’une guerre mondiale. Jérôme Fehrenbach apporte sur ce point des éléments très clairs. Eloigné de tout antisémitisme, l’évêque se tut d’une part sur la demande de la communauté juive allemande peu désireuse d’attirer l’attention sur elle et d’aggraver sa situation, et d’autre part parce qu’il jugeait l’action souterraine beaucoup plus efficace pour sauver ces malheureux persécutés. Comme le pensait et le fit Pie XII qui le créa cardinal en 1946. Comme le pensait et le fit l’épiscopat français.

Que retenir de cette action et de ce très utile ouvrage ? Von Galen, avec un courage inouï – sans aucun doute la défaite du nazisme le sauva – cria la vérité. La Vérité de l’Evangile. Celle qui rend libre. Prêt à subir le martyr, il parla certes mais de très nombreuses personnes proches de lui payèrent de leur liberté ou de leur vie l’engagement de l’évêque. On ne parle jamais innocemment dans un Etat totalitaire. Enfin, son exemple devrait inspirer bien des évêques de notre temps qui ne sont pas confrontés au nazisme mais à une identique idéologie de mort.

Frédéric LE MOAL

Pour aller plus loin : Jérôme Fehrenbach, Von Galen, un évêque contre Hitler, Cerf, février 2018 – sur Amazon

Euthanazie : “La voie est ouverte pour le meurtre de nous tous, quand nous devenons vieux et infirmes et donc improductifs”

von GalenDocument : le sermon de l’évêque et cardinal de Münster, Clemens August comte von Galen, le dimanche 3 août 1941 dans l’église de St Lambert, à Münster, dans lequel il s’élève contre l’euthanasie que les nazis veulent mettre en place pour les improductifs :

“Si on l’admet, une fois, que les hommes ont le droit de tuer leurs prochains “improductifs” – quoique cela soit actuellement appliqué seulement à des patients pauvres et sans défenses, atteints de maladies – alors la voie est ouverte au meurtre de tous les hommes et femmes improductifs: le malade incurable, les handicapés qui ne peuvent pas travailler, les invalides de l’industrie et de la guerre. La voie est ouverte, en effet, pour le meurtre de nous tous, quand nous devenons vieux et infirmes et donc improductifs. Alors on aura besoin seulement qu’un ordre secret soit donné pour que le procédé, qui a été expérimenté et éprouvé avec les malades mentaux, soit étendu à d’autres personnes “improductives”, qu’il soit également appliqué à ceux qui souffrent de tuberculose incurable, qui sont âgés et infirmes, aux personnes handicapées de l’industrie, aux soldats souffrant de graves blessures de guerre !”

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A mon regret je dois vous informer que pendant la semaine passée la Gestapo a continué sa campagne d’annihilation contre les ordres catholiques. Mercredi 30 juillet, ils ont occupé le centre administratif de la province des soeurs de Notre-Dame à Mühlhausen dans le district de Kempen, qui a autrefois appartenu au diocèse de Münster, et ils ont déclaré que le couvent devait être dissous. La plupart des soeurs, dont beaucoup viennent de notre diocèse, ont été expulsées et elles ont reçu l’ordre de quitter le district le même jour. Jeudi, selon des sources fiables, le monastère des frères missionnaires de Hiltrup à Hamm a été également occupé et confisqué par le Gestapo et les religieux ont été expulsés. Déjà le 13 juillet, à propos de l’expulsion des Jésuites et des soeurs missionnaires de Sainte Claire de Münster, j’ai publiquement déclaré dans cette même église: Aucun des occupants de ces couvents n’est accusé de quelqu’offense ou de crime, aucun n’a été amené devant un tribunal, aucun n’a été reconnu coupable. J’entends que des rumeurs sont maintenant répandues dans Münster qu’ après tout, ces religieux, en particulier les Jésuites, ont été accusés, ou même convaincus d’actes criminelles, et même de trahison. Je déclare ceci :

Ce sont de basses calomnies de citoyens allemands, nos frères et nos soeurs, que nous ne tolérerons pas. J’ai déjà déposé une plainte pénale auprès du procureur en chef contre un individu qui est allé si loin qu’il a fait de telles allégations devant des témoins. J’exprime l’espoir que l’homme sera amené rapidement à rendre compte et que nos Tribunaux auront toujours le courage de punir les calomniateurs qui cherchent à détruire l’honneur de citoyens allemands innocents dont la propriété a été déjà enlevée. J’invite tous mes auditeurs, oui, tous mes respectables concitoyens, qui à l’avenir entendront des accusations faites contre les religieux expulsé de Münster de donner le nom et l’adresse de la personne portant ces accusations et de tous les témoins. J’espère qu’il y a toujours des hommes à Münster qui ont le courage de faire leur devoir en demandant la mise en examen judiciaire contre de telles accusations qui empoisonnent la communauté nationale, en s’engageant par leur personne, leur nom et au besoin leur témoignage. Je leur demande, si de telles accusations contre les religieux sont faites en leur présence, de les rapporter immédiatement à leur curé ou au Vicaire général et de les faire enregistrer. Je demande pour l’honneur de nos ordres religieux, pour l’honneur de notre église catholique et également pour l’honneur de nos compatriotes allemands et de notre ville de Münster de rapporter de tels cas au service de poursuite de l’État de sorte que les faits puissent être établis par un tribunal et les calomnies contre nos religieux punies.

(Après la lecture de l’Evangile pour le 9ème dimanche après la Pentecôte : “et quand il fut proche (de Jérusalem) , à la vue de la ville, il pleura sur elle…”, Luc 19,41- 47):

Mes chers diocésains! C’est un événement profondément émouvant que nous lisons dans l’évangile d’aujourd’hui. Jésus pleure! Le fils de Dieu pleure! Un homme qui pleure souffre d’une peine – une peine du corps ou du coeur. Jésus n’a pas souffert dans son corps, mais il a pleuré. Combien grande a été la douleur de son âme, la souffrance du cœur du plus courageux des hommes pour qu’il pleure! Pourquoi a-t-il pleuré? Il a pleuré sur Jérusalem, sur la ville sainte de Dieu qui lui était si chère, la capitale de son Peuple. Il a pleuré sur ses habitants, ses concitoyens, parce qu’ils ont refusé de reconnaître la seule chose qui pourrait éviter le jugement qu’il connaissait par son omniscience et qui était déterminé à l’avance par le divin juge: “Si en ce jour tu avais reconnu, … le message de paix !” Pourquoi les habitants de Jérusalem ne le reconnaissent-ils pas? Peu de temps avant, Jésus l’avait apostrophée : “O Jérusalem, Jérusalem… combien de fois, combien de fois j’ai voulu rassembler tes enfants à la manière dont une poule rassemble sa couvée sous ses ailes, et tu n’as pas voulu!” (Luc 13.34).

Tu n’as pas voulu ! Moi, ton roi, ton Dieu, je le voulais ! Mais tu n’as pas voulu ! Combien elle est en sécurité, comme elle est protégée la couvée des poussins sous l’aile de la poule: elle la réchauffe, elle la nourrit, elle la défend. De la même manière j’ai désiré vous protéger, pour vous garder, pour vous défendre contre tout mal. Je le voulais , mais vous ne le vouliez pas ! C’est pourquoi Jésus pleure; c’est pourquoi cet homme fort pleure; c’est pourquoi Dieu pleure… Sur la folie, l’injustice, le crime de ceux qui ne veulent pas… Et sur le mal auquel cela donne lieu – que son omniscience voit venir, que sa justice doit imposer – si l’homme pose son refus contre les ordres de Dieu, en opposition aux remontrances de la conscience, et à toutes les invitations affectueuses de l’ami divin, le meilleur des pères:

” Si tu avais donc reconnu , encore aujourd’hui, en ce jour ce qui sert à la paix ! Mais tu n’as pas voulu !” C’est quelque chose de terrible, quelque chose d’incroyablement faux et fatal, quand l’homme met sa volonté en opposition à la volonté de Dieu. Je voulais ! Mais tu n’as pas voulu ! C’est pourquoi Jésus pleure sur Jérusalem.

Chrétiens chèrement aimés! La lettre pastorale commune des évêques allemands, qui a été lue dans toutes les églises catholiques en Allemagne le 26 juin 1941, dit entre autres : ” Il est vrai que, dans l’éthique catholique, il y ait certains commandements positifs qui n’obligent plus si leur observance provoquait des difficultés excessivement grandes ; mais il y a également des engagements sacrés dont en conscience personne ne peut nous libérer, que nous devons accomplir même s’il nous en coûte notre vie. Jamais, en aucune circonstance, un homme ne peut , sauf en cas de guerre ou de légitime défense, mettre à mort une personne innocente.”

J’ai eu l’occasion, le 6 juillet, d’ajouter les commentaires suivants à ce passage de la lettre pastorale commune: “Depuis quelques mois nous entendons des rapports selon lesquels des personnes internées dans des établissements pour le soin des maladies mentales, qui ont été malades pendant une longue période et semblent peut-être incurables, ont été de force enlevées de ces établissements sur des ordres de Berlin. Régulièrement, les parents reçoivent, peu après un avis selon lequel le patient est mort, que son corps a été incinéré et qu’ils peuvent recevoir ses cendres.

Il y a un soupçon général, confinant à la certitude, selon lequel ces nombreux décès inattendus de malades mentaux ne se produisent pas naturellement, mais sont intentionnellement provoqués, en accord avec la doctrine selon laquelle il est légitime de détruire une soi-disant ” vie sans valeur” – en d’autres termes de tuer des hommes et des femmes innocents, si on pense que leurs vies sont sans valeur future au peuple et à l’état. Une doctrine terrible qui cherche à justifier le meurtre des personnes innocentes, qui légitimise le massacre violent des personnes handicapées qui ne sont plus capables de travailler, des estropiés, des incurables des personnes âgées et des infirmes!”

Comme j’en ai été bien informé, dans les hôpitaux et les hospices de la province de Westphalie sont préparés des listes de pensionnaires qui sont classés en tant que “membres improductifs de la communauté nationale” et doivent être enlevé de ces établissements et être ensuite tués rapidement. La première partie des patients est partie de l’hôpital de malades mentaux de Marienthal, près de Münster, au cours de cette semaine. Des hommes et des femmes allemands!

L’article 211 du code pénal allemand est toujours en vigueur, et dit en ces termes:   “Qui intentionnellement tue un homme, en ayant l’intention de donner la mort, sera puni de mort pour meurtre”.

Il n’y a aucun doute : afin de protéger ceux qui tuent intentionnellement ces pauvres hommes et femmes, membres de nos familles, de cette punition établie par la loi, les patients qui ont été choisis pour le massacre sont déplacés de leur environnement vers quelque endroit éloigné. Quelque maladie ou autre est alors donnée comme cause de la mort. Puisque le corps est immédiatement incinéré, les parents et la police criminelle ne peuvent pas établir si le patient en fait avait été malade ou ce qu’était réellement la cause de la mort. J’ai été assuré, cependant, qu’au ministère de l’intérieur et au Service de l’officier médical en chef du Reich, le Dr Conti, qu’aucun secret n’est fait du fait qu’en effet un grand nombre de personnes mentalement malades en Allemagne ont été déjà tuées intentionnellement et que ceci continuera.

L’article 139 du code pénal prévoit que “quiconque a la connaissance d’une intention de commettre un crime contre la vie de toute personne… et n’informe pas les autorités ou la personne dont la vie est menacée, en temps voulu… commet une faute punissable “.

Quand j’ai eu connaissance de l’intention d’enlever des patients de Marienthal, j’ai déposé le 28 juillet une plainte chez le procureur de Münster, au tribunal du Land à Münster, et à Monsieur le président de la Police par lettre recommandée ayant la teneur suivante :

“Selon l’information que j’ai reçue il est projeté au cours de cette semaine (la date a été mentionnée comme étant celle du 31 juillet) de déplacer un grand nombre de patients internés de l’hôpital provincial de Marienthal, classés comme ‘membres improductifs de la communauté nationale ‘, à l’hôpital psychiatrique d’Eichberg, où ils doivent être intentionnellement tué comme on croit généralement que cela s’est produit dans le cas de patients enlevés d’autres établissements.

Puisqu’une telle action est non seulement contraire à la loi morale divine et naturelle mais est qualifiée à l’article 211 du code pénal allemand comme meurtre et entraîne la peine de mort, je rapporte par la présente ce fait en accord avec mon obligation de l’article 139 du code pénal et demande que des mesures soient immédiatement être prises pour protéger les patients concernés par des démarches contre les autorités projetant leur déplacement et leur meurtre, et que je puisse être informé de la mesure prise “.

D’information au sujet de ma démarche, aucune ne m’est venue en retour que ce soit du procureur ou de la police. J’avais déjà écrit le 26 juillet aux autorités de la Province de Westphalie qui sont responsables du fonctionnement de l’hôpital psychiatrique et des patients confiés à eux pour veiller sur eux et pour les soigner, protestant dans les termes les plus forts. Cela n’a eu aucun effet. Le premier transport des victimes innocentes sous sentence de mort a quitté Marienthal. Et de l’hôpital de Warstein, ce sont, comme je l’ai entendu, 800 patients qui ont été déjà enlevés.

Nous devons nous attendre, donc, à ce que les pauvres patients sans défense soient, tôt ou tard, tué. Pourquoi? Non pas parce qu’ils ont commis quelque offense que ce soit justifiant leur mort; non pas parce que, par exemple, ils ont attaqué une infirmière ou un préposé à leur surveillance, qui seraient autorisés pour cause de légitime défense à répondre avec violence à la violence. En ce cas l’utilisation de la violence menant à la mort est permise et peut être invoquée, comme dans le cas où l’on tue un ennemi armé. Non : ces malheureux patients doivent mourir, non pas pour quelque raison semblable mais parce que par le jugement d’un certain organisme officiel, sur la décision d’un certain comité, ils sont devenus “indignes de vivre,” parce qu’ils sont classés en tant que “membres improductifs de la communauté nationale”. Le jugement est qu’ils ne peuvent plus produire aucun bien : Ils sont comme une vielle machine qui ne fonctionne plus, comme un vieux cheval qui est devenu boiteux de manière incurable, comme une vache qui ne donne plus de lait. Qu’arrive-t-il à une vielle machine ? Elle est mise à la ferraille. Qu’arrive à un cheval boiteux, à une vache improductive?

Non ! Je ne pousserai pas la comparaison jusqu’au bout – si affreuse est sa convenance et son pouvoir d’illumination.

Mais nous ne sommes pas concernés ici par de vielles machines, nous n’avons pas affaire à des chevaux et à des vaches, dont l’unique fonction est de servir l’humanité, de produire des biens pour l’humanité. Elles peuvent être détruites, ils peuvent être abattus quand ils ne remplissent plus cette fonction. Non: ici il s’agit d’hommes et des femmes, nos prochains, nos frères et soeurs! De pauvres êtres humains, des êtres humains malades. Ils sont improductifs, si vous voulez… Mais cela signifie-t-il qu’ils ont perdu le droit de vivre? As-tu, ai-je le droit de vivre seulement aussi longtemps que nous sommes productifs, aussi longtemps que nous sommes reconnus par d’autres comme productifs?

Si l’on pose et met en pratique le principe selon lequel les hommes sont autorisés à tuer leur prochain improductif, alors malheur à nous tous, car nous deviendrons vieux et séniles ! S’il est légitime de tuer les membres improductifs de la communauté, alors malheur aux invalides qui ont sacrifié et perdu dans le processus de production leur santé ou leurs membres !

Si l’on peut se débarrasser des hommes et des femmes improductifs par des moyens violents, alors malheur à nos courageux soldats qui reviennent au pays gravement atteints par des blessures de guerre, estropiés et invalides !

Si on l’admet, une fois, que les hommes ont le droit de tuer leurs prochains “improductifs” – quoique cela soit actuellement appliqué seulement à des patients pauvres et sans défenses, atteints de maladies – alors la voie est ouverte au meurtre de tous les hommes et femmes improductifs: le malade incurable, les handicapés qui ne peuvent pas travailler, les invalides de l’industrie et de la guerre. La voie est ouverte, en effet, pour le meurtre de nous tous, quand nous devenons vieux et infirmes et donc improductifs. Alors on aura besoin seulement qu’un ordre secret soit donné pour que le procédé, qui a été expérimenté et éprouvé avec les malades mentaux, soit étendu à d’autres personnes “improductives”, qu’il soit également appliqué à ceux qui souffrent de tuberculose incurable, qui sont âgés et infirmes, aux personnes handicapées de l’industrie, aux soldats souffrant de graves blessures de guerre !

Alors aucun homme ne sera en sûreté : n’importe quelle commission pourra le mettre sur la liste des personnes “improductives”, qui dans leur jugement sont devenues “indignes de vivre”. Et il n’y aura aucune police pour le protéger lui, aucun tribunal pour venger son meurtre et pour amener ses meurtriers à la justice. Qui pourra alors avoir une quelconque confiance dans un médecin? Il pourrait signaler un patient comme improductif et pourraient être alors données des instructions pour le tuer!

On ne peut s’imaginer, la dépravation morale, la méfiance universelle qui s’étendra au coeur même de la famille, si cette doctrine terrible est tolérée, admise et mise en pratique. Malheur aux hommes, malheur au peuple allemand quand le saint commandement de Dieu : “Tu ne tueras pas ! “, que le seigneur a donné au Sinaï dans le tonnerre et les éclairs, que Dieu notre créateur a écrit dans la conscience de l’homme au commencement, si ce commandement n’est pas simplement violé mais sa violation est tolérée et exercée impunément !

Je vous donnerai un exemple de ce qui se produit. Un des patients de Marienthal était un homme de 55 ans, un fermier d’une paroisse de campagne dans la région de Münster – je pourrais vous donner son nom – . Il a souffert pendant quelques années de perturbation mentale et a été donc admis à l’hôpital de Marienthal. Il n’était pas mentalement malade dans le plein sens du terme: il pouvait recevoir des visites et était toujours heureux, quand sa parenté venait le voir. Il y a seulement une quinzaine, lui rendirent visite son épouse et un de ses fils, un soldat qui se trouvait stationné au front et avait un congé à la maison. Le fils est très attaché à son père malade, aussi la séparation fut difficile… Qui sait si le soldat reviendra, s’il reverra son père, car il peut tomber au combat pour son pays.

Le fils, le soldat, ne reverra sans doute sûrement pas son père sur la terre car il a été depuis mis sur la liste des “improductifs”.

Un parent, qui a voulu rendre visite au père cette semaine à Marienthal, s’en est retourné avec l’information que le patient avait été transféré ailleurs sur les instructions du Conseil des ministres pour la défense nationale. Aucune information ne pourrait être fournie sur le lieu où il avait été envoyé, mais les parents seraient mis au courant d’ici quelques jours. Quelle sera cette information? La même que dans d’autres cas semblables? Que l’homme est mort, que son corps a été incinéré, que les cendres seront remises contre paiement d’honoraires? Car le soldat, risquant sa vie au champ d’honneur pour ses compatriotes, ne reverra pas son père sur terre, parce que des compatriotes à la maison l’ont tué. Les faits que j’ai énoncés sont bien établis. Je puis donner les noms du patient, de son épouse et de son fils le soldat, et de l’endroit où ils vivent. ” Tu ne tueras pas !” Dieu a écrit ce commandement dans la conscience de l’homme longtemps avant que n’importe quel code pénal ait établi de pénalité pour le meurtre, longtemps avant qu’il n’y ait n’importe quel procureur ou n’importe quelle cour pour instruire et punir un meurtre. Caïn, qui a tué son frère Abel, était un meurtrier longtemps avant qu’il n’y ait eu d’États ou de tribunaux. Et il avouait sa faute, pressé par sa conscience qui l’accusait : ” Mon méfait est trop grand pour que je puisse trouver le pardon … le premier venu qui me trouvera me tuera” (Genèse 4.13-14). ”

” Tu ne tueras pas !” Ce commandement de Dieu, qui seul a le pouvoir de décider de la vie ou de la mort, a été écrit dans le coeur des hommes au commencement, longtemps avant que Dieu ait donné aux enfants de l’Israël sur la montagne du Sinaï sa loi fondamentale dans ces phrases lapidaires inscrites sur la pierre, qui sont écrites pour nous dans l’Écriture Sainte et que comme enfants nous avons apprises par coeur au catéchisme.

” Je suis le Seigneur ton Dieu ! ” Ainsi commence cette loi immuable. ” Tu n’auras pas d’autres dieux devant moi ! ” Dieu – le seul Dieu, transcendant, tout-puissant, omniscient, infiniment saint et juste, notre créateur et juge à venir – nous a donné ces commandements. En raison de son amour pour nous il a écrit ces commandements dans notre coeur et les a proclamés. Car ils correspondent au besoin de notre nature créée par le Dieu; ce sont les normes indispensables de tout vie raisonnable, pieuse, salutaire et sainte individuelle et communautaire.

Avec ces commandements, Dieu notre père, veut nous rassembler, nous ses enfants, comme la poule rassemble ses poussins. Si nous suivons ces commandements, ces invitations, cet appel de Dieu, nous serons gardés et protégés et préservés du mal, défendus contre la mort et la destruction menaçantes comme les poussins sous les ailes de la poule.

“O Jérusalem, Jérusalem… combien de fois, combien de foi j’ai voulu rassembler tes enfants à la manière dont une poule rassemble sa couvée sous ses ailes, et tu n’as pas voulu!” Est-ce que cela va de nouveau arriver à notre pays, à l’Allemagne, à notre province de Westphalie, à notre ville de Münster? Qu’en est-il de l’obéissance aux commandements divins, en Allemagne, ici chez nous ?

Le huitième commandement: “Tu ne donneras pas de faux témoignage, tu ne mentiras pas ! ”

Combien de fois il est violé sans scrupule et publiquement!

Le septième commandement: ” Tu ne voleras pas !”

La propriété de qui est-elle encore sûre après l’expropriation arbitraire et sans égards de celle de nos frères et de sœurs qui font partie d’ordres religieux catholiques ? La propriété de qui est-elle protégée si cette propriété saisie illégalement n’est pas restituée ?

Le sixième commandement: “Tu ne commettras pas d’adultère.”

Pensez aux instructions et aux assurances de rapports sexuels libres et de maternité sans mariage, dans la lettre ouverte notoire de Rudolf Hess, qui a disparu depuis. Cette lettre a été éditée dans tous les journaux. Et combien de conduites dévergondées et déshonorantes de cette sorte avons-nous lu et observé… Nous en avons constaté l’existence dans notre ville de Münster! A quel manque de pudeur dans l’habillement nos jeunes ont-t-il été forcés de s’accoutumer. C’est la préparation pour le futur adultère! La modestie, le rempart de la chasteté, est sur le point d’être détruit.

Et maintenant le cinquième commandement: ” Tu ne tueras pas !”, est mis de côté et est violé sous les yeux des autorités dont la fonction devrait être de protéger la règle de la loi et la vie humaine, quand les hommes prévoient de tuer des innocents intentionnellement, simplement parce qu’ils sont “improductifs”, parce qu’ils ne peuvent plus produire aucune marchandise.

Et qu’en est-il aussi de l’observance du quatrième commandement, qui nous enjoint d’honorer nos parents et ceux qui ont autorité sur nous et de leur obéir? Le statut de l’autorité des parents est déjà bien ébranlé et est de plus en plus mis à mal par tous les engagements imposés aux enfants contre la volonté de leurs parents. Qui donc peut croire que le respect sincère et l’obéissance consciencieuse aux autorités de l’État peut être maintenu quand les hommes continuent à violer les commandements de l’autorité suprême, les commandements de Dieu, quand ils combattent même et cherchent à rejeter la foi au seul véritable Dieu transcendant, Seigneur de ciel et de terre?

L’observance des trois premiers commandements a en réalité pendant de nombreuses années été en grande partie suspendue dans la vie publique en Allemagne et à Münster. Par combien de personnes le dimanche et les jours de fêtes sont-ils profanés et soustraits au service de Dieu! Combien le nom de Dieu est profané, déshonoré et blasphémé!

Et le premier commandement: ” Tu n’auras pas d’autres dieux devant moi ! ” Au lieu du seul et véritable Dieu éternel, les hommes installent leurs propres idoles qu’ils servent et adorent: la nature, ou l’état, ou le peuple, ou la race. Et combien sont ceux dont le Dieu, selon le mot de Paul, “est leur ventre” (Philippiens 3.19) – leur propre bien-être – auquel ils sacrifient tout, leur honneur même et leur conscience – les plaisirs des sens, la convoitise de l’argent, la convoitise de la puissance! Ensuite on veut aussi essayer de s’arroger à soi-même les attributs divins, pour se faire des seigneurs au-dessus de la vie et de la mort de leurs prochains. Quand Jésus est venu près à Jérusalem et vit la ville il pleura sur elle disant : “Ah! si en ce jour tu avais compris, toi aussi, le message de paix! Mais non, il est demeuré caché à tes yeux. Oui, des jours viendront sur toi, où tes ennemis t’environneront de retranchements, t’investiront, te presseront de toute part. Ils t’écraseront sur le sol, toi et tes enfants au milieu de toi, et ils ne laisseront pas en toi pierre sur pierre, parce que tu n’as pas reconnu le temps où tu fus visitée!”

Regardant avec ses yeux de chair, Jésus a vu seulement les murs et les tours de la ville de Jérusalem, mais l’omniscience divine a vu plus profondément et connaît ce qui se passe dans le ville et ce qu’il en est de ses habitants : “O Jérusalem, Jérusalem… combien de fois, combien de foi j’ai voulu rassembler tes enfants à la manière dont une poule rassemble sa couvée sous ses ailes, et tu n’as pas voulu!” C’est la grande douleur qui oppresse le coeur de Jésus, qui fait monter des larmes à ses yeux. J’ai voulu ton bien mais tu ne veux pas !

Jésus a vu combien coupable, terrible, criminel, désastreux est ce refus. Ce petit homme, cette créature frêle, oppose sa volonté créée à la volonté de Dieu! Jérusalem et ses habitants, son Peuple choisi et favorisé oppose sa volonté à celle de Dieu ! De manière folle et criminelle, ils défient la volonté de Dieu! C’est pourquoi Jésus pleure sur le péché horrible et la punition inévitable. On ne se moque pas de Dieu!

Chrétiens de Münster! Est-ce que le fils de Dieu dans son omniscience, en ce jour, a vu seulement Jérusalem et ses habitants? A-t-il pleuré seulement sur Jérusalem? Est-ce que le peuple d’Israël est le seul peuple que Dieu a entouré, qu’il a protégé avec le soin d’un père et l’amour d’une mère, qu’il a aimé ? Est-ce le seul peuple qui ne voulait pas? Le seul qui a abandonné la vérité de Dieu, qui a rejeté la loi de Dieu et ainsi s’est condamné à la ruine? Jésus, Dieu omniscient, a-t-il également vu en ce jour notre peuple allemand, notre pays de Westphalie, notre région de Münster, la Rhénanie inférieure? A-t-il également pleuré sur nous? Pleuré sur Münster ? Pendant mille ans, il a instruit, il nous a instruit nous et nos ancêtres dans sa vérité, il nous a guidés par sa loi, nourris, nous, de sa grâce, rassemblés comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes. Le fils omniscient de Dieu a-t-il vu en ce jour, qu’en notre temps, il doit également prononcer ce jugement sur nous: “Tu n’as pas voulu ! Voici que votre maison va vous être laissée !” Comme ce serait terrible !

Chers fidèles du Christ ! J’espère qu’il est toujours temps… Mais alors il est grand temps ! Reconnaissons encore aujourd’hui ce temps qui nous apporte la paix, qui seul peut nous sauver du tribunal de Dieu : Acceptons sans retour en arrière et sans réserve, nous, la vérité évidente de Dieu et reconnaissons-le par notre vie. Faisons des commandements divins une ligne directrice de notre vie et prenons au sérieux l’expression : plutôt la mort que le péché !

Dans la prière et le pénitence sincère prions pour que la rémission et la pitié de Dieu puissent descendre sur nous, sur notre ville, notre pays et notre chère peuple allemand. Mais avec ceux qui continuent à provoquer le jugement de Dieu, qui blasphèment notre foi, qui dédaignent les commandements de Dieu, qui font cause commune avec ceux qui aliènent nos jeunes au christianisme, qui volent et bannissent nos religieux, qui provoquent la mort d’hommes et de femmes innocents, nos frères et sœurs, avec tous ceux-là nous éviterons n’importe quel rapport confidentiel, nous nous maintiendrons, nous et nos familles hors de portée de leur influence, de peur que nous soyons infectés de leurs manières athées de penser et d’agir, de peur que nous devenions des complices de leurs fautes et soyons ainsi exposé au jugement que le Dieu juste doit rendre et infliger à tous ceux qui, comme la ville ingrate de Jérusalem, ne veulent pas ce que Dieu veut. O Dieu fais nous reconnaître à tous aujourd’hui avant qu’il soit trop tard ce qui nous apporte la paix ! O très sacré coeur de Jésus, affligé de larmes à cause de l’aveuglement et des iniquités des hommes, aide-nous par ta grâce que nous aspirions toujours à ce qui te plaît et renoncions à ce qui te déplaît, pour que nous demeurions dans ton amour et que nous trouvions la paix de nos âmes ! Amen.

Pour aller plus loin : Un évêque contre le nazisme, aux mots d’une puissante actualité (recension)

Le lion de Münster : un évêque allemand contre le nazisme

Mgr von Galen s’est distingué en menant l’opposition catholique aux euthanasies commises par le régime hitlérien et en dénonçant la persécution de l’Église. Extrait de la recension de David Roure pour La Croix, en attendant celle d’un de nos historiens.

Von Galen. Un évêque contre Hitler,
de Jérôme Fehrenbach,
Cerf, 2018

Surnommé le « lion de Münster », Clemens August von Galen (1878-1946) est devenu une des grandes figures de l’Eglise catholique en Allemagne à cause de sa résistance à Hitler. Il est né dans une famille nombreuse et très croyante et l’auteur de cette belle biographie se plaît à nous narrer tous les liens familiaux qui l’attachaient à de nombreuses familles germaniques aristocratiques et même princières, et parfois ce n’est pas toujours évident à suivre (quelques petits tableaux généalogiques en fin d’ouvrage auraient pu être bien utiles !) En revanche, J.Fehrenbach passe assez vite sur le quart de siècle (1904-1929) où, pourtant incardiné dans le diocèse de Münster, le jeune prêtre a servi diverses paroisses à Berlin, qui était alors à la fois « un poste d’observation de la vie parlementaire » mais aussi une « capitale en crise perpétuelle » !

Homélies virulentes contre le régime

Revenu dans son diocèse d’origine, il y sera nommé par Pie XI archevêque en 1933, juste après qu’Hitler soit devenu chancelier. Alors, « l’itinéraire de Clemens August au cours des années 1933-1942 est celui d’une ascension régulière, par degrés, vers une contestation de plus en plus ouverte du gouvernement ». C’est sur cette période-là de sa vie que, de manière assez logique,  notre biographe est le plus disert. En 1937, avec quatre autres évêques allemandes, Clau (surnom donné dans sa famille au prélat) aide le pape à rédiger la fameuse encyclique Mit Brennender Sorge, qui, par un véritable « tour de force de communication », parviendra à être lue dans toutes les paroisses catholiques d’Allemagne le dimanche des Rameaux !

C’est quatre ans plus tard que Von Galen accomplira une œuvre plus personnelle qui le fera connaître dans tout le pays : durant l’été 1941, il prononce en effet dans différentes églises de Münster trois homélies (dont le texte est fourni à la fin du présent ouvrage), longues et très virulentes contre le régime nazi, en particulier contre l’euthanasie des personnes handicapées et contre les mesures discriminatoires envers les chrétiens que mettait en place ce régime à l’idéologie néopaïenne. « Les sermons ne se répandent pas seulement par les villes et les campagnes, dans la société encore civilisée, dans le milieu des opposants actifs ou des dissidents latents, parmi les sympathisants du milieu catholique. Ils prennent aussi, parfois, la direction du front. »

« Grand regret »

Fehrenbach répond, à juste titre, aux deux questions que ne peut manquer de se poser le lecteur d’aujourd’hui, trois-quarts de siècle après les faits : tout d’abord, si Von Galen ne parle jamais ouvertement des persécutions contre les Juifs c’est qu’il croyait, comme d’autres responsables d’Église de l’époque, qu’il était plus efficace d’essayer d’en sauver quelques-uns concrètement et discrètement et que, au contraire, une critique publique aurait entraîner un acharnement encore plus meurtrier de la part des nazis ; pourtant, une fois la guerre finie, il confiera à son vicaire général son « grand regret » de ne pas avoir osé une « prise de position publique envers les Juifs après la nuit de Cristal » !

Ensuite, si Von Galen n’a plus élevé de protestation forte à partir de 1942, ce n’est bien sûr pas du tout parce qu’il se serait rallié à Hitler, mais parce qu’il pensait que cela n’aurait plus été d’aucune utilité face à un régime qui commençait à se déliter. Si les nazis n’ont pas osé l’éliminer lui-même car il était devenu très connu, il n’empêche qu’il a connu de grandes souffrances dans les dernières années de la guerre : en représailles, camp de concentration pour une quarantaine de prêtres de Münster, diocésains ou religieux (une dizaine ne reviendront pas !) mais aussi mort au front de proches parents (dont au moins cinq neveux !) et bombardement de sa cathédrale et de son évêché en octobre 1943 où lui-même sauve sa vie de justesse.

Usé par les épreuves

Une fois la guerre terminée, Pie XII, qui l’avait toujours soutenu, lui donne le chapeau de cardinal dès février 1946. Malheureusement, sans doute usé par toutes les années d’épreuve qui avaient précédé, le cardinal von Galen meurt le mois suivant, juste après son retour triomphal dans sa ville ! Quelques décennies plus tard, le 4 octobre 2005, il sera béatifié à St-Pierre de Rome (et ce fut la dernière béatification célébrée en ce lieu !) par un autre Allemand, le pape Benoît XVI !

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Quand Pie XII accueillait des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale

 

Le Vatican a dévoilé il y a quelques jours des photographies inédites de réfugiés juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Le pape Pie XII leur avait ouvert les portes de sa résidence d’été, le château de Castel Gandolfo… (source : La Croix).

Rappelons que si le grand rabbin de Rome s’est converti au catholicisme au contact de Pie XII, et qu’il a pris comme prénom de baptême celui du pape, Eugénio, ce n’est pas sans raison : si un homme, à Rome, était bien au courant des exactions commises contre les Juifs et de la protection offerte par le Vatican, n’était-ce pas justement lui ?

EN: Between 1943 and 1944, at the height of the Second World War, Pope Pius XII opened the doors of the papal residence in Castel Gandolfo to more than 10,000 displaced persons. Today, as then, the Catholic Church is on the side of those who suffer because of conflicts. Exclusive images from the Vatican Photographic Archive. ES: Entre 1943 y 1944, en plena II Guerra Mundial, el Papa Pío XII abrió las puertas de la residencia pontificia de Castel Gandolfo a más de diez mil refugiados. Hoy, como ayer, la Iglesia Católica está al lado de quienes sufren a causa de los conflictos. (Imágenes exclusivas del Archivo Fotográfico Vaticano) PT: Entre 1943 e 1944, em plena II Guerra Mundial, o Papa Pio XII abriu as portas do palácio de Castel Gandolfo a mais de 10 mil deslocados. Hoje, assim como outrora, a Igreja Católica está ao lado de quem sofre por causa de conflitos. Imagens exclusivas do Arquivo Fotográfico Vaticano. IT: Tra il 1943 e il 1944, in piena Seconda Guerra Mondiale, Papa Pio XII apre le porte del palazzo di Castel Gandolfo a più di 10.000 sfollati. Oggi come allora la Chiesa Cattolica è dalla parte di chi soffre a causa dei conflitti. Immagini in esclusiva dall’Archivio Fotografico Vaticano. #VaticanBnW #vintagephoto #awesomebnw #vatican #vaticano #CastelGandolfo #bnw #chiesacattolica #iglesiacatólica #catholicchurch #igrejacatolica #history #worldwar2 #PapaPioXII

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Sur les photographies rendues publiques par les archives photographiques du Vatican, on voit surtout des femmes et des enfants aux visages souriants malgré la précarité de leur situation : lits de fortune au sol, vêtements rapiécés et individus serrés les uns contre les autres à cause du manque de place.

Ces clichés inédits de réfugiés juifs ont été pris entre 1943 et 1944 au château de Castel Gandolfo, la résidence d’été des papes. Les photos ont été publiées sur le compte instagram du site Vaticannews.

Durant la Seconde Guerre Mondiale, la cité du Vatican a très tôt vu arriver nombreux juifs fuyant les persécutions nazies. Le pape Pie XII veut cependant prendre des mesures d’accueil plus concrètes et fait ouvrir les portes du palais apostolique de Castel Gandolfo. Les réfugiés y sont accueillis, nourris et soignés.

Le pape prend cette mesure dans la discrétion, pour éviter de trahir le statut de neutralité du Vatican durant cette période et pour garantir la sécurité des réfugiés, exposés aux rafles sur le sol italien. Le château de Castel Gandolfo accueille ainsi près de 10 000 juifs pendant environ un an.

Réhabiliter le Vatican durant la guerre

Ces archives mettent en lumière une action méconnue du Vatican durant la Seconde Guerre Mondiale, mais relancent aussi le débat autour du pape Pie XII (1939-1958). De nombreux historiens affirment qu’il aurait refusé d’apporter une aide quelconque aux juifs durant les rafles de Rome. La signature en 2009 d’un décret par Benoît XVI donnant le feu vert à sa béatification a relancé ce débat historique.

La publication de ces clichés intervient plus largement dans le cadre de la publication des archives du pontificat de Pie XII, souhaitée par Benoît XVI puis par le pape François. Ces archives se composent de plusieurs dizaines de millions de documents. L’ouverture et la mise à disposition de ces témoignages historiques permettraient de mieux cerner les volontés de Pie XII durant la guerre.

Source : La Croix  (Asmaa Boussaha)